Si le journalisme n'ouvre et ne garantit nul sentier de gloire, il constitue trop souvent un tremplin pour le journaliste qui rêve de devenir écrivain ou chercheur. Ce n'est nullement un détour obligé. On peut écrire, publier sans avoir mis le pied dans un journal. Il en est même des auteurs qui se méfient, voire dédaignent le milieu journalistique à haute tension névrotique, où s'abîment tant de talents et s'avortent tant de prétentions. Kateb Yacine, Dib ou Redha Houhou ont été certes en premier lieu des journalistes. Leurs reportages, enquêtes ont irrigué leurs œuvres. Si le journalisme n'ouvre et ne garantit nul sentier de gloire, il constitue trop souvent un tremplin pour le journaliste qui rêve de devenir écrivain ou chercheur. L'aboutissement est logique. Le système des vases communicants fonctionne à fond. Le journalisme serait en quelques sorte à la littérature ce qu'est la petite foulée pour la course. Quand on a passé toute sa carrière à suivre et traiter une question, un livre permettra de mieux cerner sa nature, de la présenter loin des vues partielles et émiettés qu'impose le suivi routinier au jour le jour. C'est le couronnement d'une carrière qui romprait avec le caractère éphémère du journalisme. A bien y regarder pourtant, les journalistes algériens notamment à l'ère du parti unique n'ont pas beaucoup écrit. Mouloud Achour, Djaout, ou Djemai étaient des hirondelles qui des années durant n'annoncèrent aucun printemps. Ils s'étaient confinés dans les romans et les nouvelles qui avaient moins d'impact à l'image de cette poésie d es années 70 ou se sont illustrés de nombreux journalistes (Kaouah, Ghermoul,….) Les confrères étaient certes moins nombreux mais cette sécheresse éditoriale semble avoir une raison plus simple. On était davantage fonctionnaire et peu autonomes dans sa pensée. Sans être proscrite, la liberté était inutile. Les journaux appartenaient à l'Etat et ne naissaient pas d'aventures personnelles, de parcours singuliers. C'est tout de même effarant que des journalistes qui ont marqué la période et dont personne ne remettrait en cause le talent n'aient pas songé à fixer leurs souvenirs. Kamel Belkacem, Nait Mazzi, Zemzoum qui ont eu à diriger des publications par des mémoires ou des écrits et pu éclairer le fonctionnement des journaux et au delà celui des institutions et de la société dont elle reflétaient un tant soit peu les évolutions et les contraintes. Il a fallu attendre ces derniers mois pour voir Mahmoud Boussoussa qui a pris sa retraite en 1997 se replonger du coté du « 20 rue de la liberté ». Son initiative est à saluer. C'est regrettable que ce titre contrairement à Alger Rep dont Benzine, Khalfa ont retracé l'histoire fidèlement et minutieusement. Un changement semble s'amorcer ces dernières années. On s'essoufflerait à énumérer ceux qui ont publié des livres. Témoignages sur l'exercice et les risques de la profession (Mahmoudi, Ancer, Souissi), œuvres de fiction (Djaad, Metref, Ayachi, Chaouar, Skif…) ou recherches sur l'art ou l'histoire (Tazarout, Abbés, Attouche, Ben Allam …). Les registres sont variés et multiples. Les femmes à l'instar de notre consoeur Leyla Nekachtali, de Ghania Mouffok auteur d'un livre d'entretiens avec Louisa Hanoun ne sont pas en reste.Il faut sans doute voir dans cette floraison l'effet de la libération de la parole mais aussi l'urgence de se guérir d'une crise qui a ébranlé la société dans ses fondements les plus profonds. L'émergence de nombreuses maisons d'édition explique aussi ce bourgeonnement même on ne réserve pas encore comme sous d'autres cieux des collections aux reportages, aux entretiens de journalistes dont les itinéraires reflètent l'évolution politique ou sociale. Le travail de la presse, cette écriture de l'histoire immédiate est pourtant un filon inépuisable pour l'édition et la recherche. Il peut alimenter la mémoire nationale et alimenter le débat public. N'est ce pas la vocation même du métier ?