Photo : Lylia M. La journée de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai de chaque année, est une halte de parcours pour la corporation journalistique, dont la portée symbolique reflète un destin d'une extrême ambivalence. Un destin enchaînant au gré des époques et des conjonctures, des hauts et des bas, des luttes et des acquis, des sacrifices et des joies. De ces dualités et tant d'autres est née et s'est forgée une réputation qui a fini par ériger les médias au rang d'un acteur incontournable qui contribue à ciseler le destin et le devenir des nations. C'est à juste raison d'ailleurs que les médias sont consacrés universellement comme le quatrième pouvoir. Cela étant dit, ce pouvoir d'influence demeure invariablement tributaire et sous l'appréciation des citoyens, desquels se recrutent lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. A priori, les avis de ces derniers peuvent diverger, s'opposer même sur le degré d'intérêt, de l'importance ainsi que de la pertinence des informations et autres analyses rapportées et produites par les médias à travers différents supports, mais tous s'accordent sur la nécessité d'avoir une presse. Une presse redoublant constamment d'efforts afin de consigner fidèlement les évènements marquants, tant sur le plan local, national qu'international mais consacrant aussi une tribune d'expression aux citoyens pour simplement crier leur joie ou bien poser leurs problèmes. Du moins c'est ce qui ressort des regards que portent des citoyens apostrophés à ce propos, rencontrés dans deux lieux différents à Alger. En effet, devant la vitrine d'un buraliste qui fait face à l'entrée principale de l'université de Bouzaréah, des étudiantes et étudiants, comme tous les matins, s'arrachent les piles de journaux qui y sont exposés. Il faut dire qu'il y en a pour tous les goûts. « Franchement, je n'ai pas une préférence particulière pour tel ou tel quotidien. Avant de choisir le journal du «jour» je jette d'abord un coup d'œil rapide sur les titres étalés en manchette. Si parmi cette multitude de quotidiens un titre m'accroche j'achète le journal, sinon tant pis pour moi » confie Ahmed un étudiant en première année sociologie. Ce n'est pas le cas d'un étudiant venu de Annaba pour poursuivre des études en langue et littérature russe qui se dit toujours fidèle à ses deux journaux favoris. « Tous les matins, je réserve 20 DA de mon maigre pécule pour feuilleter mes deux journaux préférés. Il m'arrive aussi d'acheter un troisième quotidien lorsque celui-ci contient une information importante. Cela dit, j'ai opté pour deux journaux, l'un en langue française et l'autre en arabe, parce qu'à mon humble avis ils essayent le plus possible de rapporter fidèlement l'information et surtout on y trouve des analyses et des commentaires qui cadrent avec la réalité et ne versent pas quasiment dans la sensation. En un mot, les journalistes qui y travaillent sont à mon sens des professionnels » explique-t-il son choix. Et d'ajouter « il est aussi des publications qui, attirés par le gain, ne font qu'amplifier et dramatiser les évènements à telle enseigne qu'en les lisant je me demande est-ce qu'ils sont vraiment conscients des préjudices qu'ils peuvent causer avec leurs campagnes de dénigrassions à tout va ?! ». Son ami d'amphi par contre ne comprend pas pourquoi, selon ses propos, des quotidiens s'évertuent à s'ériger comme des gardiens du temple de l'identité et des valeurs nationales. «Ce zèle débouche souvent sur des situations inextricables, au point où il crée des conflits qui ne devraient pas en temps normal exister. Je m'explique, par définition les algériens sont un peuple uni, dont les liens sont forgés à l'épreuve du feu des révolutions à travers les époques contre les envahisseurs. Partant, on n'a pas besoin qu'un journal sous la fallacieuse vertu de défendre nos principes cherche à semer la zizanie et dresser les uns contre les autres. A mon avis, toute cette agitation provoquée profite à renflouer seulement les caisses de cette presse nuisible. C'est une affaire de sou». Tout de même, tempère un autre étudiant « dans tous les pays du monde on trouve ce type de journaux. Qu'on le veuille ou pas, ils se sont frayés partout une place dans l'échiquier des médias. Reste, c'est à vous de choisir la bonne presse». LA PRESSE SPORTIVE DÉTIENT LA COTE Toujours est-il à en croire, un propriétaire de kiosque de journaux à Bouzeréah, la tendance actuelle et cela se comprend est pour les journaux sportifs. « Depuis l'entame de l'aventure des Verts dans les qualifications au mondial, j'ai remarqué que nombre de clients achètent les journaux sportifs. Mieux encore, il en est d'autres qui jettent d'abord un coup d'œil dans la rubrique sportive avant d'acheter leur quotidien. Je peux même vous étonner si je vous dis que même les jeunes filles s'initient à la lecture de ce genre de presse spécialisée. En un mot, les journaux sportifs ont la côte plus qu'aucun temps auparavant » confie le buraliste. A Hussein Dey, plus précisément au niveau d'une ruelle donnant sur la grande artère de Tripoli, quatre citoyens d'un âge vénérable font leur passage obligé quotidien chez le buraliste du coin. « C'est pour que je sois toujours informé des évènements qui se sont produits dans notre pays et dans le monde que j'achète tous les jours des journaux. C'est une habitude qui me colle depuis 40 ans. Et pendant tout ce temps, le réflexe est resté le même : toujours savoir plus» avoue l'un des trois amis qui tient solidement ces trois journaux entre les bras, le temps de rejoindre son banc habituel. «Dommage qu'on ne lit pas convenablement l'arabe, qui est au demeurant l'une des séquelles du colonialisme, sinon on aurait plus de choix en terme de journaux » confie son ami. « Me concernant je me borne souvent à guetter, condition sociale oblige, les informations traitant des retraites. Car c'est par les journaux qu'on apprend par exemple les augmentations opérées sur nos pensions. Que voulez-vous ? Chacun à son centre d'intérêt » conclut un troisième vis-à-vis. Entre la curiosité des jeunes et le regard pertinent de leurs aînés, la presse écrite nationale, s'efforce à satisfaire tout le monde. Et c'est cela son combat de tous les jours. nAmirouche Lebbal