Enjeu n Les derniers décrets exécutifs relatifs à la mise en conformité des constructions sont, de toute évidence, les bienvenus, mais faut-il encore les appliquer sur le terrain. Pour pallier la crise de logement qui a atteint son paroxysme en 1990, l'Etat a décidé d'ouvrir le secteur au privé. Le foncier a, ainsi, été cédé à des prix symboliques, mais, sans engagement aucun, de la part des nouveaux acquéreurs à respecter les normes urbanistiques. Des années durant, nous n'avons pas été capables d'appliquer la loi et de faire respecter les normes urbanistiques en vigueur. Ce laxisme des autorités a fait que des agglomérations entières ont été érigées sans aucun style architectural. Le phénomène a surtout touché ces bâtisses appelées communément R+1, R+2 et R+3. Peu importe si elles sont laides et sans aucune esthétique.L'important c'est de pouvoir «caser» deux, voire trois familles sous un même toit et de louer ce qui reste pour amortir les dépenses liées à la construction. Dans cet engouement pour la construction privée, le moindre mètre carré est exploité. «L'absence du contrôle a fait que des espaces verts ont été utilisés pour construire d'autres bâtiments. C'est ainsi que Bab Ezzouar est devenu une cité-dortoir», explique Mohamed Harchaoui, architecte. Pour cet ancien enseignant de l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme, la responsabilité de ce désastre ne peut être imputée au citoyen devant l'absence de plans intégrés. Il déplore à ce titre, le fait que «dans notre pays, on réfléchit d'une manière directionnelle au détriment de la bonne gestion de l'espace», avant de s'interroger sur les différents facteurs qui nous ont conduits tout droit vers une crise urbaine sans précédent. «Comment sommes-nous arrivés à cette aberration ?», se demande-t-il. Il ressort des différentes interventions de ce fondateur de l'Union des architectes algériens en 1971 une conclusion saisissante : «Il fallait laisser les spécialistes réfléchir à des systèmes efficaces. Plus une étude est approfondie, plus on a des chances de trouver des solutions réelles». Une réflexion partagée par un grand nombre d'experts à l'image de Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes. Pour lui, le grand tort qu'il faut imputer à l'Etat est l'absence de coordination entre l'administration, le maître de l'ouvrage, le maître-d'œuvre, l'entreprise et l'usager. L'Etat, pour sa part, était sous l'emprise d'un seul souci : celui de répondre quantitativement à une forte demande sur le logement sans accorder une grande importance à la qualité et aux normes de construction et d'urbanisme. «L'absence d'une stratégie est amplement justifiée par le fait que le pays a vu défiler 24 ministres de l'Habitat depuis février 1977», fait remarquer M. Boudaoud. Pour appuyer ses dires, il n'hésite pas, à titre indicatif, à rappeler la bavure d'un haut fonctionnaire du secteur de l'habitat en 1983. Celui-ci «avait ouvertement affirmé qu'il n'avait pas besoin d'architectes et qu'il se contenterait de faire des tirages successifs de plans».