Résumé de la 4e partie n «King Kong ? C'est un homme trop solitaire, trop brutal… Il nous fait un peu peur…» A l'image de ce portrait, la journaliste Mary plonge un peu plus dans un mystère qu'elle veut élucider. «Vous croyez que l'île disparaîtra ? demande Mary. Sans doute, mais elle résiste ! Tant de bateaux s'y sont perdus que les épaves nouvelles s'entassent sur les anciennes. Elle se nourrit de cadavres !» Au loin, des vagues énormes déferlent. «C'est beau ! dit Mary Boney. — Ce sont les brisants ! Ils sont pour les vivants l'annonce d'une mort prochaine. Ne les regardez pas trop...» Il lui montre le garage du canot de sauvetage et les souvenirs des naufrages qui y sont exposés. Il lui explique que les habitants de l'île de Sable ne vont pas à la pêche à cause du danger. Mais s'il se produit un naufrage, les canots sont tirés jusqu'à la mer par des attelages de cinq poneys et l'équipage du canot n'hésite jamais à s'engager dans les brisants. «Je n'ai jamais oublié, raconte King Kong, le naufrage de ”L'Indépendance”. Il s'est échoué au début de l'après-midi. Deux heures plus tard, il s'est cassé en deux. Trois corps ont été jetés sur le rivage, je les ai ramenés moi-même.» «Je me promène souvent sur la plage. On ne sait jamais ce qu'on peut y trouver : un avion, une bouée de sauvetage...» «Trois Français, perdus pendant qu'ils pêchaient, ont abordé un jour, après deux semaines sans vivres et sans eau. Ils avaient la langue toute noire... Un autre jour, devant la maison du surintendant, un homme est arrivé d'une épave que personne n'avait vue. Il a ouvert la bouche pour parler et il est tombé raide mort, sans qu'on sache d'où il venait. —Avez-vous parfois trouvé des objets précieux ? demande Mary. — Moi non... D'ailleurs qu'est-ce que j'en ferais ? Mais tout bateau a un coffre-fort et certains transportent des valeurs. Il doit bien y avoir dans les deux millions de dollars ensablés ou noyés dans le coin ! Et tout le monde n'est pas comme moi : une fois, un habitant de l'île a trouvé un coffre. Il a versé la moitié du trésor au Trésor canadien et il a ouvert une grande agence immobilière à Halifax. Un autre a découvert une liasse de deux cents billets de cinq livres sterling.» A la tombée de la nuit, King Kong arrête les chevaux devant une sorte de baraque préfabriquée comme on en trouve sur les chantiers de travaux publics. Gauchement, il demande à Mary : «Il fait froid, voulez-vous boire du café ?» Elle accepte. Alors qu'elle est encore sur son poney, pied à terre, il la dépasse presque d'une tête et la soulève comme un fétu. Un lit de fer, des blocs de glace presque informes, des toiles où il semble toujours manquer l'essentiel, un placard, un évier et un poêle : tel est le décor de King Kong. Tandis qu'il prépare le café, Mary Boney l'observe. Cet homme terrifiant est, en réalité, dans sa solitude, l'image même de la délicatesse et de l'impuissance. «Et votre roman, ça raconte quoi ? — L'histoire de l'île de Sable... Vous savez il en est arrivé des choses ici ! Des naufragés, au lieu d'être reconnaissants, se sont mutinés. Un jour, un capitaine a voulu tuer le surintendant. Un autre jour, seize rescapés se sont attaqués aux habitants. Et bien entendu, il est arrivé que des survivants deviennent cannibales...» Lorsque King Kong repose sa tasse de café, son énorme patte rencontre la main minuscule de Mary Boney. Quelques instants plus tard, le surintendant et le photographe, inquiets, viennent à tout hasard frapper à la porte. «N'oubliez pas, dit le photographe, qu'il faut appeler le canard. — Demain, répond Mary. Ce soir, je reste dîner avec David !» (à suivre...)