Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati
Le mois de Ramadhan est de retour avec la peur au ventre, à cause de la flambée des prix des produits de large consommation et l'angoisse des attentats terroristes, notamment dans les wilayas de Kabylie. Pour les citoyens, le mois de jeûne n'est pas seulement synonyme de cherté et d'insécurité, mais aussi, pour positiver un peu les choses, l'heureuse occasion de changer leurs habitudes en cassant la monotonie ambiante en vigueur depuis onze mois. C'est ce qui ressort des discussions dans les rues et les cafés maures de Tizi Ouzou. Ce mois s'annonce très difficile pour les familles algériennes, lequel coïncide avec la rentrée scolaire et l'Aïd El Fitr où les dépenses sont aussi importantes, déjà laminées par la saison estivale budgétivore. Quelques jours de vacances, quel que soit le lieu choisi, suivis de cadeaux de mariage et des achats prévisionnels du Ramadhan sont suffisants pour mettre les comptes à zéro. Il est vrai que de nombreux aspects font craindre le pire au citoyen, à l'occasion de ce mois sacré, à commencer par celui relatif à la bourse des ménages qui reçoit un coup dur à chaque fin de Ramadhan. La flambée des prix durant ce mois -«de piété et de miséricorde», dit-on-, pour des raisons de cupidité ou non, laisse les petites bourses dans le désarroi et les amène à se diriger vers les restaurants du Croissant-Rouge algérien pour bénéficier du couffin du f'tour. Le CRA a enregistré ces dernières années une hausse fulgurante de familles demandant des rations de f'tour, et ce, à travers toutes les communes de la wilaya. «Cela fait trois années que je fais la chaîne au Croissant-Rouge avec les nécessiteux pour une part du f'tour et le couffin de Ramadhan», nous dira un fonctionnaire de la mairie de Tizi Ouzou, accompagné d'un proche, employé à la mairie de Fréha. «Avec nos salaires de misère qui n'atteignent même pas le SMIG légal, comment voulez-vous que ce soit autrement ?» enchaîne l'un d'eux, qui avoue se servir au comité local du CRA pour réduire les dépenses de sa famille qui compte six membres. Ainsi, des salaires de misère et des prix des produits alimentaires qui doublent en quelques jours, et ce, à chaque approche du Ramadhan, poussent des familles, qui, logiquement, ne devraient pas être dans le besoin, à se rapprocher du CRA. Et elles sont de plus en plus nombreuses. Sur un autre plan, le risque d'attentats terroristes et la nervosité qui caractérise les Algériens durant ce mois de jeûne nourrissent aussi l'appréhension des personnes interrogées dans la capitale du Djurdjura où les sempiternels embouteillages au centre-ville continuent à mettre les nerfs, déjà tendus, des automobilistes à rude épreuve. Mais, pour les citoyens de Tizi Ouzou, il n'y a pas que des choses négatives à signaler durant ce mois. Certains de nos interlocuteurs, particulièrement les femmes, pensent au programme de télévision qui changera ainsi que leurs habitudes à la maison. «Il n'y a que ce mois qui permet aux femmes de sortir un peu durant les soirées et nous en avons besoin, vu les chaleurs suffocantes», dit Wassila, une jeune employée dans une boîte informatique située au centre-ville de Tizi Ouzou, qui dit, par ailleurs, apprécier les programmes télé durant ce mois, que ce soit ceux de l'ENTV ou des chaînes satellitaires arabes. Il y a aussi les soirées dans des cafés maures (mah'chacha) improvisées dans certains quartiers de la ville où les jeunes se permettent des parties de dominos et de cartes au rythme de belles vieilles chansons chaabies. Un changement très apprécié par les jeunes, lesquels se retrouvent avec de nouvelles habitudes, voire attitudes. La soirée étant longue durant ce mois sacré, cela constitue une une bonne occasion pour les familles de se rendre visite autour d'un thé, de zlabia, de qalb el louz et autres «délices» très prisés par les enfants et adultes. Cette ambiance familiale, qui se raréfie, est très appréciée par les citoyens, lesquels ne manquent pas de réserver quelques soirées à ce genre de sorties et visites.