Plusieurs familles algériennes préfèrent célébrer les fêtes de mariages en période d'été, notamment les émigrés qui passe leurs vacances au bled. En effet, depuis quelques années à Sétif, les longs cortèges de voitures, sillonnant les artères de la ville avec force klaxon, ne sont plus l'apanage des seules réjouissances du mariage : les fêtes de circoncision leur disputent désormais la vedette et rivalisent de faste, de ''paillettes'' et de couleurs. Mais, à Sétif, il y a mieux : le véhicule de tête (souvent un 4x4) est de plus en plus souvent entouré d'une nuée de motos de grosse cylindrée, pétaradant tout leur soûl. Les anciens " disent regretter les coutumes d'autrefois, malgré leur caractère suranné et constatent ''la mort dans l'âme'' que c'en est bien fini des petites processions traditionnelles, de la "gassâa" remplie de terre, de la raya ", cet étendard de couleur verte que l'on découpait parfois grossièrement et que l'on accrochait devant le fronton du domicile et des chants "sraoui" de circonstance. Le rituel a bien changé, le "modernisme" et la recherche du faste supplantant irrémédiablement le côté "bon enfant" des fêtes d'antan. Aujourd'hui, dans les villes et villages de la wilaya de Sétif, notamment au chef-lieu de wilaya et à El- Eulma, le petit bambin en gandoura de satin ou de soie sentant le jasmin, qui se prépare à subir l'intervention bénigne, n'a plus rien à envier, si l'on considère les égards dont il est l'objet, au jeune fiancé qui se pare de ses plus beaux atours pour convoler en juste noces. Les enfants, qui sont aujourd'hui circoncis dans des cliniques privées ou à l'hôpital, y sont conduits comme des mariés, habillés comme des princes et accompagnés des parents et des invités dans des cortèges de voitures, de préférence aussi nombreuses et aussi luxueuses que possible, et qui sillonnent la ville dans un joyeux mélange de milliards de décibels, produits de féroces, klaxons, un moment (historique) immortalisé par une caméra. Comme pour les mariages, les fêtes de circoncision sont aujourd'hui célébrées dans des salles louées au prix fort ; les membres de la famille s'y déplacent depuis l'étranger, et l'on y sert les mêmes plats de fête : couscous, chekhchoukha ainsi que les mêmes douceurs des grandes circonstances comme la baklaoua et autres pâtisseries de luxe, pendant que les femmes paradent à qui mieux, drapées dans leur binouar staïfi et bardées de bijoux. Les émigrés, d'Europe ou de pays non musulmans, préfèrent revenir au pays pour célébrer la circoncision de leurs garçonnets dans une ambiance familiale et selon les traditions ancestrales et les préceptes de l'islam. La veille du jour J, la nuit du henné demeure sans conteste le moment le plus fort et le plus intense de cette fête, car c'est le moment où le circoncis, habillé d'un costume traditionnel, est choyé comme un petit roi et devient le point de mire de tous les invités. On lui chante la chanson de circonstance où il est loué et porté aux nues. Ce moment est généralement préparé par les mamans dès la naissance du petit garçon. La fête de circoncision est le premier tournant vécu par le petit garçon après sa naissance : le costume devant être porté par le petit garçon en cette circonstance est commandé chez les meilleurs fournisseurs. Aujourd'hui, le commerce de ce genre de costumes traditionnels, propres aux circoncisions est très juteux, et les boutiquiers, originaires du M'zab, qui sont bien rompus à ce genre de commerce, en ont fait une de leur spécialités. Mais, ceux qui en ont les moyens, les achètent de Tunisie, du Maroc et même des pays du Golfe. Le costume traditionnel, et plus la gandoura et le tarbouche, reprennent leurs droits en cette circonstance ainsi que la paire de babouches finement brodées de fils dorés ou argentés. Autre phénomène des temps modernes : dans la wilaya de Sétif comme partout ailleurs dans le pays, ce n'est plus le "maâlem" ou le spécialiste traditionnel qui effectue l'opération de circoncision, mais des médecins spécialisés. Les familles, de plus en plus imprégnées de culture sanitaire, ont pris conscience de la délicatesse de cette opération et de ses possibles implications sur la santé de l'enfant, les rendant très pointilleuses sur le choix du médecin auquel sera confié la circoncision de leur enfant. C'est pourquoi, en cette fin du mois d'août, et à quelques encablures de la rentrée scolaire, il n'est pas rare d'apercevoir une foule compacte devant l'hôpital ''Mère et enfant'' de la cité Bel-Air de Sétif, où l'attente des chérubins et de leurs parents, pour accéder chez le chirurgien, peut durer des heures. Ensuite, place à la fête !