Réalité n La visite, hier, samedi, du Premier ministre britannique Gordon Brown, illustre le malaise des pays occidentaux impliqués en Afghanistan, qui doivent justifier leurs engagements militaires et financiers face à des opinions publiques de plus en plus rétives, selon les experts. Pour Haroun Mir, du Centre de recherches et d'études politiques à Kaboul, la visite du dirigeant britannique «envoie un message très fort» au Président sortant Hamid Karzaï et l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah : «Sitôt le résultat final de la présidentielle annoncé» mi-septembre, «ils devront trouver une solution politique pacifique». Le déplacement de M. Brown «visait à convaincre les Britanniques que l'Occident ne peut rester inactif dans la crise politique actuelle», dans laquelle «ses soldats meurent chaque jour», ajoute M. Mir. En Grande-Bretagne comme en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis, la majorité de la population est désormais opposée à la participation au conflit, jugeant le prix trop élevé - cadavres de militaires régulièrement rapatriés, 20 milliards de dollars injectés depuis 2002 dont personne ne sait vraiment ce qu'ils deviennent, perdus dans la corruption ambiante. Le problème devient politiquement brûlant aux Etats-Unis, qui pourraient annoncer prochainement l'envoi de nouveaux renforts, après avoir déjà dépêché récemment 21 000 soldats supplémentaires sur le terrain. La formation des forces afghanes est devenue également la priorité occidentale. 4 000 instructeurs militaires américains sont arrivés récemment, et Gordon Brown a évoqué, hier, «50 000 soldats afghans supplémentaires formés d'ici à un an». L'armée et la police afghanes comptent moins de 200 000 hommes. En Irak, l'autre guerre américaine, les forces de sécurité affichent 615 000 hommes à population et superficie comparables et peinent à tenir un pays à la géographie beaucoup moins tourmentée que le montagneux Afghanistan. Ce processus nécessitera néanmoins à court terme plus de soldats étrangers, donc plus de pertes, préviennent les militaires occidentaux. Nasrullah Stanakzaï, enseignant en droit à l'Université de Kaboul, estime que pour le moment, «les gouvernements occidentaux et l'Otan sont impliqués dans un jeu dont ils ne peuvent se retirer» et doivent donc «soutenir par tous les moyens le gouvernement afghan». «S'ils retirent leurs soldats ou cessent leur aide à l'Afghanistan sous la pression de leurs opinions publiques, les dirigeants occidentaux savent que la guerre contre le terrorisme va s'étendre à l'Europe», affirme-t-il.