Les sourires de façade qui accueilleront Hamid Karzaï à la conférence sur l'Afghanistan, demain à Londres, masqueront le scepticisme des Occidentaux vis-à-vis de l'action du président afghan. L'un des objectifs de cette réunion est de redorer le blason du chef de l'Etat afghan, réélu l'an dernier pour cinq ans dans des conditions contestées. Les alliés de Karzaï, qui ont promis d'intensifier leur aide financière et militaire, sont de plus en plus confrontés à la grogne de leurs opinions publiques. Ils n'ont d'autre choix que de vanter les qualités de leur partenaire, dans l'espoir de pouvoir transférer le plus rapidement possible aux autorités afghanes la responsabilité des opérations de sécurité dans le pays. Pour ce faire, Washington assure que les relations entre Washington et Kaboul n'avaient jamais été aussi bonnes depuis plusieurs mois. La préparation de l'élection présidentielle, son déroulement chaotique et les péripéties du dépouillement, l'an dernier, tout cela "avait jeté une ombre sur nos relations, entre l'investiture de Barack Obama et celle de Karzaï", a déclaré la semaine dernière l'envoyé américain dans la région, Richard Holbrooke. Hamid Karzaï n'est toujours pas parvenu à faire entériner par le parlement ses choix pour près de la moitié de son gouvernement mais les pays occidentaux ont loué sa décision de reconduire les ministres sortants à des postes-clés comme celui de la Défense. L'Occident s'est également réjoui de le voir promettre une lutte sans merci contre la corruption, un fléau endémique dans tout le pays. Sur le plan militaire, l'arrivée de renforts étrangers laisse présager une recrudescence des combats, donc encore plus de pertes. Même la météorologie semble se mettre de la partie, avec une menace de sécheresse qui risque d'entraîner une crise humanitaire. Selon un projet de communiqué de la conférence de Londres, dont Reuters a pris connaissance, les alliés de Kaboul tenteront de mettre en place un "cadre" pour que les forces afghanes prennent en charge la sécurité de certaines provinces d'ici le début 2011. Ce message - voir enfin le bout du tunnel après plus de huit ans de guerre - est exactement ce que veulent entendre les opinions publiques en Amérique et en Europe. Mais, au-delà des déclarations d'intention, le document contient peu de mesures concrètes. L'une des plus notables est la création d'un fonds en vue de la réinsertion des taliban qui déposeraient les armes, une stratégie déjà tentée sans grand succès par le passé. Après Londres, Hamid Karzaï veut tenir sa propre conférence en mars ou en avril à Kaboul. "On a eu très peu de temps pour préparer cette réunion de Londres", déplore un diplomate, selon lequel le Premier ministre britannique, Gordon Brown, a en partie avancé cette idée de conférence pour des raisons de politique intérieure, en vue des législatives qui seront organisées d'ici juin au Royaume-Uni. Une thèse partagée par plusieurs hommes politiques afghans. "Ce qu'il faut avant tout savoir, c'est que M. Brown et M. Karzaï avaient besoin de cette conférence pour de tout autres raisons que la reconstruction de l'Afghanistan", affirme Daoud Sultanzoy, élu au parlement de Kaboul. Des dossiers essentiels, sujets de frictions entre le président afghan et ses alliés, comme l'organisation des législatives et la lutte contre la corruption, ne pourront pas être réglés. Notons qu'un sommet a réunit lundi à Istanbul le président turc, Abdullah Gül, avec le président afghan pour discuter des moyens de renforcer la coopération pour aider l'Afghanistan à atteindre la sécurité et la stabilité. Hier , les dirigeants de la Turquie, de l'Afghanistan et du Pakistan, ainsi que des officiels de haut-niveau des pays voisins de l'Afghanistan et des organisations internationales ont participé à une autre réunion régionale sur l'Afghanistan à Istanbul. R.I.