C'est le grand absent du tribunal de Nuremberg qui, juste après la guerre, a jugé les criminels de guerre nazis. Son nom a été prononcé à plusieurs reprises durant les débats, mais personne ne savait ce qu'il était devenu. Il faut dire qu'Adolf Eichmann n'a jamais cherché la publicité ni les honneurs. Les grandes parades national-socialistes, les uniformes clinquants, les harangues enflammées ne l'ont jamais attiré. Lui a préféré rester dans l'ombre. Il a laissé en tout et pour tout deux photos et il n'a pas dépassé le grade d'Obersturmbannflihrer, c'est-à-dire lieutenant-colonel. Pendant toute la durée du IIIe Reich, il s'est comporté en fonctionnaire, en chef de service consciencieux, méticuleux et efficace. Seulement, son service, c'était la «solution finale», l'élimination des juifs d'Europe. Adolf Eichmann naît le 16 mars 1906, à Solingen, en Rhénanie, dans une famille de la moyenne bourgeoisie. Son père est comptable dans une société d'électricité et, en 1914, il se voit proposer le poste de directeur de la Compagnie des tramways de Linz, en Autriche. C'est donc dans ce pays qu'Adolf passe sa jeunesse. C'est un élève médiocre. Son père le retire du lycée technique pour le faire entrer dans la vie active, comme représentant d'une entreprise anglaise, la Vacuum Oil Company. Adolf Eichmann y reste jusqu'en 1933 mais, entre-temps, un événement capital a eu lieu dans sa vie : son adhésion au Parti national-socialiste. Durant les années qui précèdent la prise de pouvoir d'Hitler, ses partisans sont particulièrement actifs en Autriche. Les SA, les SS manifestent, bottés et en uniforme, dans les rues de Linz, parfois avec violence. Dans la famille Eichmann, on n'a jamais fait de politique et le jeune Adolf n'a pas d'idée préconçue dans ce domaine. C'est sans enthousiasme qu'il se voit convié à une réunion d'information nazie par Ernst Kaltenbrunner. Leurs parents sont amis et c'est ce qui le décide. Malgré son jeune âge, Kaltenbrunner est une étoile montante du nazisme. Il finira, d'ailleurs, responsable suprême de la Sécurité du Reich, ce qui lui vaudra d'être condamné à mort par le tribunal de Nuremberg et exécuté. Toujours est-il qu'Adolf Eichmann est favorablement impressionné et, comme Kaltenbrunner est SS, il s'inscrit à cette même organisation. Pendant les années qui suivent, il continue son travail de représentant et subit, les week-ends, le dur entraînement des SS. En 1933, sa société fait faillite suite à la crise de 1929 et, comme des millions d'autres, il se retrouve au chômage. Hitler est désormais au pouvoir en Allemagne et Eichmann peut espérer avoir une place dans un service d'État. Kaltenbrunner lui rédige une lettre de recommandation pour Heydrich, chef de la SD, la police de la Sécurité du Reich, qui contrôle à la fois la police criminelle et la Gestapo. Heydrich engage immédiatement le jeune homme. Le voilà fonctionnaire du Reich. Il le restera jusqu'au bout. Nous sommes en 1934, Adolf Eichmann a vingt-huit ans et, s'il porte l'uniforme noir à tête de mort de la SS, il n'a que le grade modeste de sergent. L'année suivante, il entre au service des Affaires juives. Tout de suite, il manifeste le caractère consciencieux, organisé, méticuleux, qui est le sien. Il demande une bourse pour apprendre le yiddish et l'hébreu, et prend des cours de religion avec un rabbin. La bourse lui est refusée, ce qui ne le décourage pas. Il apprend seul le yiddish en dehors de son travail et il devient rapidement capable de lire les journaux écrits dans cette langue. En revanche, c'est aux frais de l'État qu'il est envoyé en Palestine, pour y étudier les juifs qui y vivent. Il en revient avec un rapport violemment antisémite et antisioniste, qui est très apprécié en haut lieu, à commencer par le Führer lui-même. Il obtient, à la suite de cela, le grade de sous-lieutenant. (à suivre...)