Lutte n Magistrats démis, fonctionnaires véreux révoqués : la campagne de «tolérance zéro» contre la corruption fait tomber des têtes, dans ce pays classé en 2008 au 6e rang des plus corrompus au monde. Trois ans après son élection et à deux ans de la présidentielle prévue en 2011, le chef de l'Etat, Joseph Kabila, s'est lancé dans une guerre sans merci «contre les abus sociaux et les anti-valeurs» pour «rétablir la moralité dans la gestion publique», affirme le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. Convaincu qu'«il n'y a pas d'Etat de droit sans moralité publique», le gouvernement a donc décidé d'éradiquer «la corruption qui est devenue rampante dans les structures de l'Etat», selon M. Mende. Pour joindre l'acte à la parole, le Président Kabila a révoqué fin juillet 80 agents de la Fonction publique, issus des ministères des Affaires foncières, de l'Urbanisme, de la Santé, des Finances, de la Justice ou des Mines. Dans le même ton, 1212 agents, entre autres, des directeurs de service, des chefs de division, des chefs ou attachés de bureau, ont été mis d'office à la retraite. Mi-juillet, une centaine de magistrats ont été révoqués ou mis d'office à la retraite. Lundi, plusieurs médias ont rapporté l'arrestation et la condamnation en flagrance de quatre juges la semaine passée. Même s'il approuve le principe de la lutte anti-corruption, le président du syndicat national des magistrats du Congo (Synamac), se demande si «les magistrats n'ont pas faim et s'ils bénéficient des conditions de travail qui ne les amènent pas à quémander». «On s'intéresse aux épiphénomènes». «C'est un signal fort» contre l'impunité dans l'administration congolaise, avait indiqué le ministre de la Fonction publique, Michel Botoro. Souvent critiqué pour son fonctionnement jugé opaque, l'appareil judiciaire n'est pas épargné par la campagne «tolérance zéro». Les corrupteurs et les corrompus sont parmi les dignitaires et les gouvernants. Selon M. Mende, l'administration est «pourrie» : «L'enseignement, l'armée, les milieux politiques, les milieux hospitaliers, la magistrature, sans oublier la police routière.» «Ce pays avait cessé d'exister, nous sommes en train de le recomposer», a justifié le porte-parole du gouvernement. La tâche ne s'annonce donc pas aisée pour le gouvernement de parvenir à un résultat, sans toucher les intérêts de certains barons du camp présidentiel. Début janvier, la justice avait demandé, en vain, à l'Assemblée nationale de lever l'immunité de 13 députés de la mouvance présidentielle, accusés d'avoir touché des pots-de-vin de la direction des impôts, pour minorer des «recettes additionnelles» de cette régie financière pour l'exercice budgétaire 2009. La campagne «ne va pas aboutir», pronostique déjà le président du Synamac. Pour l'illustrer, une caricature récente du quotidien Forum des As, représentait un policier corrompu, qui disait appliquer la «tolérance 5», en empochant discrètement des billets de banque que venait de lui donner un automobiliste.