Les quelques familles rescapées du massacre des douars d'El-Ayachich et de Bouhamed près de Tadjena perpétré vers la fin du mois de décembre 1998, occupent toujours, et depuis plus d'une dizaines d'années, des bidonvilles aux alentours du chef-lieu de la commune. «C'est le dixième ramadan consécutif que nous passons dans ces habitations de fortune qui ne ressemblent en fait qu'à un gigantesque dépotoir. Outre la fatigue liée au jeûne, à la soif et à la chaleur caniculaire, nous vivons péniblement le spectre de toutes les misères du monde dans cet environnement indésirable et malsain. Avant cet abominable carnage, nos ramadans étaient, contrairement à ceux que nous vivons aujourd'hui, magnifiques et inoubliables. L'ambiance familiale était agréable et le mois sacré était une occasion unique pour les familles de l'ensemble des douars de se ressembler et de vivre l'événement tout comme le faisaient avant nous nos aïeux. Malheureusement tout a disparu aujourd'hui. Ni traditions, ni ambiance familiale, ni encore une lueur d'espoir. Le ramadan que nous vivons aujourd'hui dans ces gourbis qui manquent de tout, n'a aucun charme sauf que nous accomplissons notre devoir envers Dieu seulement», regrette un habitant. «Nous jeûnons dans des conditions des plus déplorables à tous les niveaux. Ni électricité, ni eau potable, ni hygiène. Nous nous sommes résignés à rompre le jeûne dans une atmosphère extrêmement invivable avec les seuls moyens du bord. La plupart d'entre nous ont même été rayés de la liste des bénéficiaires du couffin de solidarité, on ne sait pourquoi», enchaîne un autre qui ajoute : «Si au moins l'Etat nous avait assuré le minimum dans nos douars, nous serions tout simplement retournés chez nous. On nous avait promis routes, électricité, écoles et sécurité mais, à ce jour, rien n'a été fait dans nos villages. C'est pourquoi d'ailleurs nous continuons de vivre ce calvaire». Quant aux veillées ramadanesques d'antan, cela fait des années que les habitants les ont définitivement oubliées. «Contrairement à ceux auxquels la chance a souri, les soirées durant ce mois sacré, manquent cruellement d'ambiance, de joie et de loisirs. Chacun de nous veille cloîtré entre les quatre murs de son gourbi», soupirent de nombreux rescapés.