Dignité n «Nul n'est à l'abri du besoin et le filet social concerne de plus en plus de couches de la société algérienne.» Le siège de l'Union des sourds-muets de la wilaya de Blida est devenu, l'espace du mois de ramadan, le point de ralliement du quart-monde blidéen. En effet, nombre de rues et quartiers alentour renferment des parents en difficulté, des enfants issus de parents divorcés, une jeunesse prisonnière des différentes drogues, des repris de justice. La rue du Bey, ou rue Amirouche, est connue de tous les services de sécurité et c'est là qu'active Fatiha, la mère de tout le monde. Contre vents et marées, elle a institué et installé son association Izzet el-mra, – l'honneur de la femme – pour redonner courage et emprise à toutes ces femmes éplorées. «Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de femmes que nous recevons quotidiennement pour les écouter et les laisser libérer leur trop-plein de chagrin», assure Mme Fatiha. Trônant au milieu des marmites durant ce mois de ramadan, cette mère cinquantenaire assure un repas chaud à emporter pour plus de cent familles et 55 repas à table dans une ambiance conviviale permettant à une frange de la population dite algérienne de se sentir humaine. Les places Larbi-Ben-M'hidi et Mohri, les rues Amirouche, Zerarka ainsi que le quartier Aïn Sbaâ entourent ou encadrent ce siège de handicapés, anciennement école El-Irchad. Triste sort pour une école fief du nationalisme dans les années quarante et cinquante et qui se retrouve dans un état de délabrement qui en dit long sur l'indifférence des autorités vis-à-vis de l'Histoire. Mais là est une autre question ! Des manœuvres, des chômeurs, des jeunes désœuvrés pointent dès 18h pour prendre place dans un coin et attendre l'heure du f'tour. Un personnel très réduit s'occupe de la permanence et Mme Fatiha déplore que l'aide étatique soit minime cette année : «Nous avons été sauvés par le tissu industriel de la ville et réussi à offrir le couffin du ramadan d'une valeur de 2 000 DA pour 110 familles et que nous allons encore offrir à la veille de l'Aïd.» Plus important encore, la présidente de l'association révèle que les membres se sont déplacés dans des endroits difficiles d'accès afin de porter aide et assistance à deux familles : «L'une d'elles se retrouve sans ressource du fait de la chute du père qui exerçait comme maçon sans être assuré ; sa femme oblige les enfants à aller vendre le pain quotidiennement et elle les empêche aujourd'hui d'aller à l'école comme les autres enfants de leur âge.» La coordination avec l'action sociale de la wilaya devrait exister pour ce genre d'actions, mais il semble quelque part que le courant ne passe pas. En coordination avec l'Union des sourds-muets et les anciens du SMA, l'association prépare la circoncision d'une cinquantaine d'enfants, la fête de la fin du ramadan en collaboration avec l'Apc de Blida. «Il y aura la zorna et des troupes de musique populaire qui vont égayer la soirée.» Elle n'a pu conclure sans vouloir remercier de tout cœur les âmes charitables à travers nombre de sociétés comme Nestlé, Trèfle, Sicam, Orlac, Vitajus, Nounours, Minoterie Nord Algérie, Boukhari, les Ets Benzekour. «Sans ces entreprises, l'association n'aurait pu avoir cette aura durant le mois de piété, le mois de la rahma et qu'elles en soient remerciées au nom de ces familles également.»