Djeha veut s'emparer des légumes qu'un jardinier va vendre, au marché, sur son âne. Il le suit discrètement. Il continue à le suivre, puis, délicatement, il enlève le bât de l'âne avec les paniers, pleins de légumes. Il attache l'âne à un arbre et reprend sa place. Le propriétaire, faisant toujours ses calculs, ne se rend compte de rien. «Je vendrai tel légume tant et tant et je gagnerai tant et tant !» Djeha a mis le bât sur son dos et se met à quatre pattes. — Et tel légume, combien le vendrai-je ? Djeha s'est mis à parler. — C'est à toi de voir ! — Comment, cela, à moi de voir ? — Oui, c'est toi le propriétaire ! L'homme s'est arrêté. Il n'y a personne avec lui. Qui a bien pu lui parler ? Il se retourne et, surprise, à la place de son âne, il aperçoit un homme ! Il recule, effrayé, croyant avoir affaire à un djinn. — Au nom de Dieu, qu'es-tu, homme ou djinn ? Djeha se met à pleurer. — Hélas, je suis un homme ! — Alors que fais-tu à la place de mon âne ? — Ce bât me pèse. Laisse-moi le déposer et je te raconterai tout ! — Fais, fais, lui dit l'homme ! Il dépose le bât. — Voilà, dit Djeha, j'ai été un enfant insupportable, puis un jeune homme insolent. Je n'ai pas arrêté de désobéir à mes parents, puis à faire le mal. Alors, Dieu s'est irrité contre moi et m'a transformé en âne ! L'homme lève les mains au ciel. — Ô Seigneur, épargne-nous ta colère ! Djeha continue : — C'est ainsi que je suis devenu ton âne. Il fallait que je travaille et que je souffre pour être absous de mes péchés. Mais je ne devais reprendre ma forme humaine qu'une fois que tu m'auras chargé de légumes et conduit au marché ! L'homme sourit. — Eh bien, c'est chose faite ! — Il y a encore une condition, ces légumes, je dois les distribuer aux pauvres ! L'homme sourit encore. — Eh bien, va, fais ce qu'il t'a été ordonné de faire ! Et pardonne-moi encore tous les coups que je t'ai donnés ! Djeha prend les chouari et rentre chez lui. «Maudite femme, ne t'avais-je pas dit que j'allais revenir chargé de légumes ?» Le lendemain, il prend l'âne et l'emmène au marché pour le vendre. Le jardinier l'aperçoit et se met à crier : «Tu as encore désobéi à tes parents, non, non, je ne veux plus te voir !» Et il s'enfuit en courant ! (à suivre...)