InfoSoir : Le libraire est-il concerné par l'article 69 de la LFC 2009 ? l S.-A. Sekhri : A partir du moment où le libraire dépend soit de l'éditeur, soit de l'importateur qui, eux-mêmes, subissent pratiquement les contrecoups de la loi, donc nous, libraires, sommes touchés nécessairement, sachant que pratiquement tous les livres vendus en Algérie passent par la librairie. Donc, le maillon faible de la chaîne du livre, c'est bien le libraire. Pour les conséquences sur le lectorat, il faut dire que nous aurons certainement des livres comme avant, mais à des prix beaucoup plus élevés. Parce que les gens maintenant vont payer d'avance leur importation d'ouvrages et de papier. Alors qu'avant, ils avaient des facilités avec la banque. Donc, nécessairement, s'il y a des livres plus coûteux, on aura alors un lectorat plus faible et, du coup, il y aura des fermetures de librairies. Qu'y a-t-il lieu de faire ? Il faut trouver une formule visant à préserver le secteur de la culture, notamment celui du livre, des dispositions de cette loi de finances, parce que, honnêtement, nous ne voyons pas qui pourra mettre autant d'argent. Le secteur de la culture est déjà fragile, donc, avec cette loi de finances, les choses vont s'aggraver. Il faut une loi spécifique pour le livre qu'il ne faut pas considérer comme une marchandise quelconque. Quelle est donc la réaction des libraires ? Les libraires n'ont aucun pouvoir de décision. Ils ne sont même pas en nombre suffisant pour faire pression. Donc, nous attendons avec impatience une réaction positive des politiques et des principaux concernés, à savoir les éditeurs et les importateurs. Nous ne pouvons rien faire d'autre que de continuer à soutenir nos amis éditeurs et importateurs. Sinon, en tant que libraires, nous n'avons aucun pouvoir pour faire bouger les choses. Nous, les libraires, nous recevons le livre fait. Donc, si en amont le livre a des problèmes, nous allons les subir. En revanche, si le livre est libéré en amont, vous aurez une librairie libérée, plus riche et prospère. Pensez-vous qu'il y aura une solution ? Je suis sûr et même convaincu qu'il y a des gens censés au niveau des centres de décision qui vont quand même penser à trouver une solution au problème du livre et qui va satisfaire tout le monde. Il faut qu'il y ait une loi spécifique sur le livre, pour le protéger et protéger le libraire. Le ministère de la Culture a, depuis quelques années, introduit dans la vie du livre énormément de choses. Le seul problème du ministère, c'est qu'il communique très mal. Or, la modernité c'est la communication. L'édition bénéficie du soutien du ministère, ce qui a permis aux éditeurs solides de se renforcer et a favorisé l'apparition de nouveaux éditeurs de talents. *Editeur et libraire (la librairie Mille-feuilles) Dur, dur d'être éditeur n «J'ai édité, il y a une année, près d'une trentaine de livres parce que les conditions s'y prêtaient. Mais, maintenant, je crois que si on maintient cette loi, je serai alors contraint de réduire le rythme de l'édition», nous dit Sid-Ali Sekhri. Ainsi, pour éditer un livre, il faut les matières premières (papier et encre) que l'importateur fournit à l'imprimeur. Autrement dit, avec cette nouvelle loi, l'éditeur doit payer d'avance l'imprimeur qui, lui, est obligé de régler cash son fournisseur, celui-ci doit, à son tour, payer d'avance son fournisseur étranger. Chacun sera amené lui-même à payer l'autre, sachant qu'auparavant tout se faisait à crédit entre les différents opérateurs. «Tout le monde subit des pressions», souligne notre interlocuteur. «C'est toute la chaîne du livre qui est menacée de disparition. Il risque d'y avoir des effets fâcheux sur l'industrie et le commerce du livre», met-il en garde.