Situation n L'édition en Algérie est souvent marquée par la relation conflictuelle entre l'éditeur et l'auteur. L'auteur de Mémoire d'outre-tombe, Mahrez Affra, a, dans son parcours d'écrivain, accumulé plusieurs déceptions dans ses contacts avec les maisons d'édition. Ce qu'il déplore le plus, c'est ce «diktat observé par certains éditeurs. Ces derniers tentent souvent d'influencer l'auteur pour mettre en avant leur ligne éditoriale dans l'ouvrage à publier». Selon notre interlocuteur, certaines maisons d'édition n'hésitent pas à supprimer des paragraphes entiers avant la publication de l'œuvre. «Je parle de mon expérience personnelle. A titre illustratif, il m'a été signifié clairement qu'un livre relatant l'histoire de l'Algérie ne peut être valable si on ne cite pas au passage des écrivains français, en l'occurrence, Benjamin Stora. Celui-ci et bien d'autres constituent vraisemblablement, pour eux, une référence, ce qui n'est pas le cas pour moi», témoigne notre écrivain avant d'ajouter un peu plus loin : «Tout pousse à croire qu'il n'est pas admis de publier un livre qui verse dans la polémique anti-française. Une autre manière sans doute de faire valoir la perception de l'histoire.» Mais ce qui rend le constat plus malheureux, de l'avis de cet auteur, est cette absence de reconnaissance de la part des responsables de la culture en Algérie. Les écrivains sont, dit-il, «livrés à eux-mêmes devant un Office national des droits d'auteur (Onda) submergé par la production audiovisuelle». Outre l'absence d'une maison de l'écrivain, les contraintes rencontrées par les auteurs qui ont choisi de publier en Algérie sont diverses. Ils citent, entre autres, l'absence d'émissions culturelles consacrées aux nouvelles publications telles que cela se fait sur les plateaux des chaînes satellitaires. «L'espace de culture dans l'esprit des algériens n'existe pas. Nous avons accumulé beaucoup de handicaps qui nous ont poussés à nous éloigner de nos repères», dit Mahrez Affra. Le lecteur algérien est, de l'avis de l'auteur du livre Aux origines de l'agression du 14 juin 1830, avide d'écoute et de communication. «Nombreuses sont les question auxquelles l'Algérien ne trouve pas de réponse. Ainsi, la nature ayant horreur du vide, l'intégrisme culturel et religieux a occupé les espaces délaissés par la communication, l'information, l'éducation et notamment la culture», répond M. Affra à la question de savoir pourquoi le taux de lecture en Algérie demeure très faible. «L'algérien qui sort d'un long passé colonial, n'arrive pas à distinguer et à reconnaître ses repères», et c'est là, estime-t-il, qu'intervient la responsabilité de l'Etat dans «l'entretien et la régénération de la créativité et le génie populaire». L'Etat a aussi le devoir «de favoriser l'émergence et l'épanouissement de l'élite», conclut M. Affra, ce sexagénaire connu pour ses réflexions d'ordre sociologique dans un grand nombre de ses ouvrages.