Photo : Mahdi I. Jamais de mémoire de Constantinois, la venue d'un écrivain n'a attiré autant de monde que lundi dernier à l'occasion de la venue de Yasmina Khadra. C'est la première fois qu'il se rend à Constantine. Devant un théâtre archi comble, (plus de 200 personnes), Yasmina Khadra a eu non seulement le privilège de découvrir que sa notoriété est grande dans la ville des ponts, mais la wilaya lui a rendu hommage avec à sa tête Abdelmalek Boudiaf, wali de Constantine. Invité par la maison d'édition Média-Plus, qui est aussi l'éditeur de son dernier roman l'Olympe des infortunes, Khadra a comme une rock star achevé sa tournée en Algérie. Après Alger et Annaba, Constantine était sa dernière étape. L'auteur de l'Attentat a dans un exposé, relaté son parcours d'écrivain. Un cheminement que certains jugent assez original, d'autres par contre, l'estiment rude, l'auteur évoque quant à lui, ses souvenirs, surtout sa carrière militaire. Ainsi, il expliquera comment il lui arrivait d'écrire dans un univers qui était tout, sauf propice à la littérature : «L'armée ne m'a jamais interdit d'écrire mais il faut dire aussi qu'on ne m'encourageait pas. En 1988, j'ai été récompensé en France par un minuscule prix, mais ça n'a pas empêché la hiérarchie de créer un comité de censure pour surveiller la création littéraire ou artistique dans les rangs de l'armée. C'est à partir de ce moment que j'ai choisi d'écrire sous un pseudonyme». Quant au pire souvenir de sa vie, c'est incontestablement le massacre des scouts en 1994 dans l'Oranie, “Je suis resté choqué durant un mois” dira-t-il. On connaît Yasmina Khadra le talentueux écrivain, l'humaniste jaloux de son pays, il y a aussi le Yasmina Khadra gentleman. Durant son intervention, il a à maintes fois parlé des femmes, de sa femme en particulier : «Ma femme m'a dit un jour «Tu m'as donné ton nom pour la vie, et je t'ai donné le mien pour la prospérité». Ce sont les femmes qui nous ont appris à nous les mâles, à devenir hommes». S'agissant de littérature et plus précisément de son dernier roman, «L'Olympe des infortunes», Yasmina Khadra regrette que la presse française l'ait boycotté bien que son premier lectorat soit français : «Heureusement que Paris n'est pas la France. Ce sont des petits lobbies qui prennent en otage la création et ce dans tous les domaines». Toujours concernant les sujets qui fâchent, Yasmina Khadra est revenu sur les polémiques rapportées par la presse ces derniers temps : «Certains journalistes ont travesti mes propos. Je n'ai jamais dit que j'étais plus connu que l'Algérie, ni même que je n'ai osé traiter les Algériens de grandes gueules aux bras écourtés, fainéants impénitents. D'ailleurs j'ai utilisé le pronom nous pour qualifier les Algériens, et mon message s'adressait à ceux qui ont empêché la caravane de Camus de sillonner l'Algérie. Malheureusement, ces pseudos intellectuels ont réussi, privant ainsi les jeunes de débattre de littérature» Et d'ajouter : «J'ai horreur des étiquettes. A Paris, on me considère comme un écrivain politique, à Alger, comme faisant partie de l'écriture d'urgence, alors que pour moi ça n'a aucun sens». Quant aux récentes attaques de Rachid Boudjedra à son encontre, Yasmina Khadra reste pour le moins imperturbable. Car il considère Boudjedra comme un grand écrivain et qu'il est libre de dire ce qu'il veut. Répondant à une question sur son roman préféré qu'il a eu à écrire, il surprendra tout le monde en annonçant que c'est «Cousine K», cet étrange récit qui est aussi un chef d'œuvre peu connu du public. Enfin, la rencontre de Yasmina Khadra a coïncidé avec la commémoration de la disparition de Malek Haddad (2 juin 1978), il dira à ce propos que Malek Haddad est son auteur préféré.