Une semaine après les événements qui ont suivi le match Maroc-Algérie, Oum Tboul, une petite bourgade située à la frontière algéro-tunisienne, est calme. Le va-et-vient habituel des véhicules a disparu comme par enchantement. Nous sommes seuls, cet après-midi, à emprunter la route qui mène au poste-frontière, déplacé récemment de 10 km à l?est, en pleine montagne. Deux véhicules nous croisent à grande vitesse, ils n?ont pas de pare-brise. Sur une crête dénudée, le parking de la nouvelle station, à la peinture encore fraîche, est désert, des uniformes bleus apparaissent derrière les vitres du poste de police. A l?intérieur dans la salle d?habitude bondée, un homme seul attend, passeport à la main. «Je me rends en Tunisie pour affaire, dit-il. La situation est tendue là-bas, mais le travail n?attend pas». Le chef de poste qui nous reçoit ne nous apportera aucune indication sur l?état des supporters de l?EN à leur retour du match. «Il faut obtenir, pour cela, l?autorisation spéciale de la PA d?El Calla». De retour à Oum Tboul, nous abordons un groupe de paysans, en pleine discussion au bord de la route. Ils paraissent farouches, presque méfiants, mais quand nous parlons des «événements du match», ils deviennent loquaces. Une sourde ranc?ur se lit dans leur regard. Ils se sentent très concernés, car de nombreux jeunes d?Oum Tboul ne sont pas encore rentrés. «Il y a trois jours, le consul algérien en Tunisie a escorté à la frontière un fourgon transportant 60 supporters. Il y en a encore dans les hôpitaux et beaucoup ont été arrêtés». Un homme grand et fort, les traits burinés, fait un large geste de la main. «Tous les supporters ont été traités de la même manière. Ils ont même lâché les chiens sur ceux qui tentaient de fuir». Un véhicule, venant de la frontière, nous dépasse à toute allure. Nous l?accostons à la sortie du hameau. à son bord quatre jeunes gens qui reviennent de «là-bas». Ils nous confirment que de nombreux supporters sont encore retenus par la police tunisienne. «Mais ils ont promis de les relâcher à la fin du match de la finale». «Il faut dire, ajoute un jeune homme au visage rond, presque enfantin, au regard ingénu derrière les lunettes, que le comportement de nos compatriotes ? du moins beaucoup d?entre eux ? a été inadmissible. Avant le match, ils avaient remplacé le drapeau tunisien sur une banque de Sfax, par l?emblème national, et le portrait de Ben Ali par celui de? Boumediene». Les autres acquiescent. «Ce sont les nôtres qui ont provoqué ces événements, mais la riposte a été extrêmement dure».