Ruse n Il n'y a pas de doute que ces hommes sont aveugles, mais leurs habits, leur allure n'indiquent pas qu'ils sont financièrement pauvres. Un jour, Djeha se promène et passe devant une rivière impétueuse. Dix aveugles, debout sur la rive, attendent. — Bonjour brave homme ! Les aveugles se retournent vers lui. — Ah, dit l'un d'eux, c'est le ciel qui t'envoie ! — Voilà un moment que nous attendions là ! dit un second. — Nous avons besoin de toi ! fait le troisième ! Djeha se lisse la moustache. Certes, ces pauvres hommes sont aveugles, il n'y a pas de doute sur cela, mais leurs habits et leur allure n'indiquent pas qu'ils sont, financièrement, pauvres. Pour Djeha, c'est peut-être l'occasion de se faire un peu d'argent. — Braves gens, dit-il, que puis-je faire pour vous ! Un des hommes lui saisit la main. — Peux-tu nous aider ? — Je ne demande que cela ! — Que Dieu te bénisse ! — Dites toujours, s'impatiente Djeha. L'un d'eux parle. — Tu vois cette rivière ? —Oui… Elle gronde comme un bélier furieux ! — Eh bien, nous voulons passer de l'autre côté ! — Vous ne pouvez pas attendre qu'elle se calme ? — Non, nous sommes pressés ! Un autre aveugle intervient. — Fais-nous passer ! Djeha se lisse la moustache. — Je veux bien, mais c'est dangereux… Et puis, pourquoi risquerai-je ma vie pour des gens que je ne connais pas ? Quel bénéfice pourrais-je en tirer ? Les aveugles comprennent. — D'accord, d'accord, nous te donnerons un sou pour ta peine ! — Un sou chacun ! — D'accord ! Il prend le premier aveugle par la main et le fait traverser. Une fois sur l'autre rive, il réclame son sou. — Fais d'abord venir mes autres compagnons ! Djeha fait donc passer le second, puis le troisième et ainsi de suite, jusqu'au dernier. Mais comme le courant est puissant, l'aveugle lâche la main de Djeha et il est emporté par le courant. Pris de peur, Djeha l'abandonne et rejoint les autres aveugles ! — Tu as laissé périr notre compagnon ! — Eh bien, disons que je n'ai rencontré que neuf aveugles. Je les ai fait traverser, ils doivent me verser chacun un sou ! (à suivre...)