Mystère Dès leur plus jeune âge, les habitants sont frappés d?une cécité dont l?origine est inconnue. Le douar Brerma, du nom collectif des habitants de cet endroit, est situé à 7 km après Tarik-Ibn-Ziad en allant vers Theniat El-Had. On emprunte la sinueuse Route nationale n°18, en très mauvais état sur un tronçon de 2 km, à la limite de la praticabilité. Partis pour vérifier de visu une information qui circule sur un fait étrange ? beaucoup d?habitants développant une cécité totale dès le début de leur adolescence ? nous croisons, un homme vêtu d?une kachabia, tenant une canne blanche à la main, debout au bord de la route. L?activité principale de ces handicapés visuels est de demander l?aumône aux rares usagers de la Route nationale n°18. «Je m?appelle Brermi Lakhdar, je suis né en 1951.» «Je suis né voyant et dès l?âge de 16 ans, j?ai commencé à perdre la vue.» «J?ai subi des opérations à Alger et à Miliana.» «Je touche 300 DA par mois, je le dis à la face de tous.» «Je m?en souviens, c?était en 1972. Un jour, en me réveillant, je me suis lavé la figure et en ouvrant les yeux, je ne vis que du noir.» Un autre aveugle était un peu plus loin, c?était Ali, le cousin de Lakhdar, barbu, les cheveux ébouriffés. «Moi, j?étais admis en 7e année, j?ai étudié durant une année, puis j?ai commencé à perdre la vue, un ?il d?abord puis l?autre a suivi presque immédiatement et, malgré moult opérations et visites médicales, je suis devenu aveugle.» Un habitant réfute la thèse du douar de la cécité. Il y a quatre ou six cas c?est tout, mais Ali l?interrompt : «C?est faux, on est quatre hommes, il y a à peu près huit ou dix femmes et quatre enfants.» La cause, selon des habitants, serait due à des faits étranges, mais personne n?a pu expliquer que des personnes naissent normalement et perdent la vue de façon inexplicable. Cette cécité touche les familles Brermi, Djahmoun et Abida. Chacune a des handicapés visuels et toutes ces familles ont contracté des mariages consanguins. Ceci explique peut-être cela. Alors que d?autres avancent que, dans le douar, il y a énormément de figues de barbarie et le vent, très violent, aurait transporté des épines dans les yeux. Au niveau de l?école primaire, on nous certifie que des anciens élèves, malvoyants à l?origine, sont, aujourd?hui, aveugles et que trois ou quatre élèves présentent une mauvaise vue et risquent de devenir aveugles à court terme. Le maire de la commune a installé un bureau au niveau de l?APC pour recevoir ces handicapés et un délégué chargé d?acheminer leur dossier à la Casoral. Hélas aucune enquête et aucune campagne d?explication n?ont été menées pour cerner cette étrange situation. Pour un autre aveugle : «On est pauvre, certains touchent 900 DA par mois, moi je touche uniquement 300 DA, comment pourrais-je vivre décemment avec deux enfants avec 10 DA par jour ?». Enfin, le jeune Ali nous déclare : «Je perçois de la lumière, je sais qu?avec plus de moyens, je pourrais guérir.» On revient sur nos pas, laissant derrière nous le douar Brerma avec son mystère. Ces damnés de l?obscurité percevront-ils un jour l?aide attendue, leurs mains toujours tendues quotidiennement le long de la route ?