L'agent Murdoch, en patrouille dans le quartier Saint Paul, à Anchorage, en Alaska, a une drôle de surprise ce 13 juin 1983. Une jeune femme brune vêtue d'une robe claire vient de quitter en courant le petit aéroport privé qui se trouve un peu plus loin, les menottes aux poignets ! Il pense à une criminelle en fuite, mais elle l'aperçoit au même instant et se précipite dans sa direction. — Sauvez-moi ! — Qu'est-ce qui vous arrive ? — On a voulu m'enlever et me tuer, j'en suis sûre ! L'agent Murdoch la réconforte de son mieux et la conduit au poste de police le plus proche. Là, l'inspecteur Brian Mitchell prend en charge la jeune femme, terrorisée. Il va chercher une clé passe-partout pour la débarrasser de ces bracelets qui n'ont rien de féminin et la fait asseoir dans son bureau. Elle est encore tout essoufflée. Il décide d'attendre qu'elle ait retrouvé ses esprits pour l'interroger... Il y a juste quelques mois que l'inspecteur Brian Mitchell, vingt-quatre ans, occupe ses fonctions. Il est originaire de Boston, la grande ville du nord-est des Etats-Unis. C'est un citadin, mais il rêve depuis toujours de grands espaces, de nature vierge, et il a demandé et obtenu ce poste à Anchorage. Depuis qu'il est ici, il profite de ses moments de loisir pour faire des excursions dans la campagne environnante et, à chaque fois, il en revient ébloui. La jeune femme a repris son souffle et se met à parler d'un ton précipité — Il a voulu me tuer... — Calmez-vous ! Procédons par ordre. D'abord, quel est votre nom ? — Lena Verjovic. — Profession ? — Je suis danseuse au Paradise, un cabaret d'Anchorage. Elle baisse la tête, l'air gêné. — Je suis danseuse seins nus. — Attendez un instant... L'expression vient de rappeler quelque chose à l'inspecteur Brian Mitchell, l'une des premières affaires dont on lui a parlé en arrivant. Il doit avoir le dossier sur son bureau. Il l'extrait de la pile et le parcourt rapidement. Deux danseuses seins nus, Paula Golding et Anna Fayol, ont disparu d'un autre établissement, le Crystal, il y a respectivement un et deux ans : le 12 juin 1981 et le 13 juin 1982. On ne les a jamais retrouvées. L'inspecteur Mitchell a brusquement la sensation que quelque chose de grave se cache derrière cette histoire. Il reporte son attention vers la fille : une brune aux longs cheveux et au corps maigre, qui lui jette un regard apeuré. Elle semble fragile, a un air de victime. La vie ne doit pas être drôle tous les jours pour elle. — Quel est votre domicile ? — J'habite un studio que me loue le patron du Paradise, dans la 116e Rue. — Que vous est-il arrivé ? — Hier soir, j'ai été abordée par un spectateur après la représentation. Cela nous arrive de temps en temps, enfin.. de les suivre chez eux. C'est ce qui s'est passé. L'inspecteur comprend parfaitement que le Paradise est un lieu de prostitution déguisée, mais ce n'est pas le problème du moment. — Vous connaissez le nom de cet homme ? — Non, il ne me l'a pas dit. Il m'a emmenée chez lui, une belle maison d'une banlieue chic. Nous avons passé la nuit ensemble. Le matin, il m'a mis les menottes et m'a dit qu'il allait me conduire, avec son avion privé, dans sa maison de campagne d'Elkutna. Là, on aurait encore des rapports sexuels. Après, il me ramènerait à Anchorage et il me donnerait 500 dollars. Je ne l'ai pas cru. C'était évident qu'il était fou et qu'il me tuerait. Je me suis échappée pendant qu'il chargeait ses affaires dans l'avion. A quoi ressemblait-il ? — Il a la quarantaine, il est roux, avec des taches de rousseur un peu partout sur le visage. — Vous pourriez retrouver le chemin de chez lui ? — Je pense que oui... (à suivre...)