Action n Des bulldozers s'affairent sur une colline de Cisjordanie occupée. Pour une fois, ce n'est pas une nouvelle colonie israélienne, mais le chantier de la première ville nouvelle palestinienne, appelée Rawabi. Les promoteurs immobiliers palestiniens espèrent que ce site deviendra un jour le foyer de 40 000 Palestiniens et contribuera à cimenter, au propre comme au figuré, les aspirations palestiniennes à la terre de Cisjordanie face aux blocs d'implantation des colons juifs. «Cette ville n'est pas une colonie», souligne Bachar al-Masri, le patron de l'agence immobilière à l'origine du projet de 480 millions d'euros avec l'apport de capitaux qataris. «En fait, on peut dire que c'est une tentative palestinienne de garder les Palestiniens sur leur terre pour endiguer la colonisation israélienne», explique-t-il. La construction de Rawabi, située près de Ramallah, le fief de l'Autorité palestinienne, offre un contraste saisissant avec les champs de ruines qui poussent dans la bande de Gaza, territoire palestinien soumis à un strict embargo israélien et dévasté par une incursion punitive de Tsahal il y a un an. Au cours de la première phase des travaux, il est prévu d'ériger 22 blocs résidentiels pouvant accueillir 20 000 habitants en trois ans. Dans une deuxième phase, également de trois années, la population devrait doubler. Dotée d'écoles et d'hôpitaux modernes, la ville nouvelle de Rawabi vise la classe moyenne palestinienne, avec des appartements dont le prix varie entre 35 000 et 55 000 euros. Ce développement urbain, qui s'étend sur 630 hectares, est l'un des plus gros projets d'investissement dans les territoires occupés. Il a reçu l'appui enthousiaste de l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas, qui est soutenue par la communauté internationale. «Ce projet prouve qu'il existe des potentialités d'investissements en Palestine», se félicite le ministre palestinien de l'Economie, Hassan Abou Libdeh. De loin, Rawabi ressemble, à s'y méprendre, aux dizaines de colonies israéliennes disséminées en Cisjordanie, où vivent près d'un demi-million d'Israéliens et qui constituent, aux yeux des Palestiniens, autant de «faits accomplis sur le terrain pour empêcher la naissance de leur Etat». «Voir des bulldozers palestiniens est étrange, car on a plutôt l'habitude de voir des bulldozers israéliens en train de voler notre terre», témoigne Mohammed Khamis, 42 ans, habitant un village voisin. Rawabi se construit dans une zone dite «A» de la Cisjordanie, c'est-à-dire sous le contrôle direct de l'Autorité palestinienne. Mais le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a également promis de lancer des projets immobiliers en zone «C», restée entièrement sous le contrôle de l'armée israélienne, dans le cadre de son plan ambitieux visant à établir les institutions d'un Etat palestinien «viable et indépendant» d'ici à 2011.