Résumé de la 1re partie n Jack Rackham, dit «Rackham le Rouge» est capturé par les hommes du gouverneur Bailey. Il comparaît devant le tribunal avec quinze de ses compagnons… Le magistrat poursuit : — Dès lors, vous écumez l'océan Indien et les Caraïbes, et c'est là qu'on vous donne le surnom de Rackham le Rouge. C'est peu après que Sa Majesté décide, par une mesure exceptionnelle, d'accorder le pardon à tous les pirates qui déposeront les armes. Vous acceptez une mesure si généreuse et vous vous fixez à New Providence, aux Bahamas, où pendant quelque temps vous ne faites plus parler de vous. Seulement, six mois plus tard, vous reprenez la mer avec un nouveau navire et un nouvel équipage. La cour peut-elle savoir la raison de ce revirement ? Jack Rackham reste muet et, comme le président insiste, finit par lâcher : — Une histoire de femme... Sir Bailey ne fait pas de commentaire. — Votre nouvelle expédition ne dure qu'un an, mais elle est marquée par plus de meurtres et de pillages que la précédente, jusqu'à ce que, grâce à Dieu et sir Douglas Bailey ici présent, vous soyiez capturé, avec votre équipage. Les regards de l'assistance se tournent vers le gouverneur de la Jamaïque, qui arbore une mine faussement modeste, et l'audience se poursuit. L'honorable Spencer Vaughan donne la parole à la défense, en l'occurrence l'unique avocat commis d'office, qui a la mission impossible de défendre l'ensemble des accusés. Celui-ci fait une courte allocution réclamant la clémence du tribunal, après quoi la cour se retire. Elle revient quelques minutes plus tard. Le président Vaughan se découvre pour prononcer la sentence, comme le veut la pratique pour tout verdict capital. — Jack Rackham, levez-vous... Le président cite à la suite les noms ou surnoms du reste de l'équipage et énonce le verdict. — Le tribunal vous condamne à être pendus par le cou entre les lignes de marée, jusqu'à ce que vous soyiez morts, morts, morts. Telle est en effet la curieuse formulation de la justice anglaise, concernant les affaires de piraterie. «Entre les lignes de marée» signifie que l'exécution aura lieu dans la partie du port dépendant de l'Amirauté, et non sur le reste du territoire qui relève de la justice terrestre. Quant à l'expression «morts, morts, morts», elle entend affirmer que, symboliquement du moins, un crime aussi grave que la piraterie doit s'expier trois fois. Rackham le Rouge et son équipage ont accueilli sans surprise cette condamnation prévisible. Toujours selon la loi anglaise, le président s'adresse à eux. — L'un de vous a-t-il une objection à formuler contre cette sentence ? Et c'est alors que l'extraordinaire se produit ! Deux des marins, ceux-là mêmes qui se sont battus avec énergie lors de leur capture, se lèvent avec un parfait ensemble et déclarent d'une même voix : — Votre Honneur, nous plaidons notre ventre... Il y a un instant de stupeur, suivi d'un éclat de rire tonitruant. Cette nouvelle expression curieuse fait référence à une pratique judiciaire en vigueur en Angleterre, comme d'ailleurs en France et dans tous les pays civilisés : une femme enceinte ne peut pas être exécutée avant d'avoir accouché afin que l'enfant ne meure pas avec elle. Toute l'assistance, le gouverneur Bailey en tête, dévisage avec hilarité les deux pirates qui viennent de mettre un peu d'animation dans ce procès qui manquait jusque-là singulièrement d'imprévu. Mais l'honorable Spencer Vaughan n'est pas là pour s'amuser. Après avoir frappé énergiquement de son maillet pour rétablir le silence, il s'adresse sèchement aux deux perturbateurs. (à suivre...)