Débat L?exercice démocratique ne peut être pleinement effectif en de pareilles circonstances, pense la majorité de la classe politique. Après douze ans sous état d?urgence, la classe politique algérienne est unanime, à quelques exceptions près, sur l?urgence de la levée de cette mesure administrative, qualifiée de «source de toutes les fraudes et manipulations politico-judiciaires». Le premier magistrat du pays, Abdelaziz Bouteflika a d?abord estimé, il y a une année, que «les conditions ne sont pas encore réunies pour lever l?état d?urgence». Son argument ? «La situation sécuritaire reste fragile bien qu?en nette amélioration. Le pays se remet lentement de ses traumatismes. L?agitation persiste. La société n?est pas à l?abri du désordre (...) La situation est en voie de normalisation. Et l?état d?urgence sera levé lorsqu?elle se stabilisera», a-t-il dit avant de laisser le soin à la commission Issad, mise en place à la suite des événements de Kabylie, de donner son appréciation. «L'Algérie est passée de façon subtile de l'état d'urgence à l'état de siège», lit-on en substance dans le rapport final. En termes plus clairs, le dispositif de l?état d?urgence est tout de suite remis en cause. Le chef de l?état-major Mohamed Lamari estime, pour sa part, que l'état d'urgence n'est pas un problème pour l'armée. «Sa levée n'aurait nullement affecté notre travail. S'il venait à être levé demain, nous n'y émettrions aucune objection.» Il s?agit là d?une réponse claire à tous ceux qui imputent le maintien de cette mesure à l?armée. Parmi les personnalités favorables à sa levée, Ali Benflis a relevé depuis longtemps «l?inutilité de l?état d?urgence». Le FFS de Hocine Aït Ahmed fait, de son côté, de sa levée, son cheval de bataille. Le plus vieux parti de l?opposition inscrit cette recommandation dans son fameux mémorandum «pour l?avènement de la deuxième République». Ali Yahia Abdenour, le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l?Homme (Laddh) ne cesse de qualifier le maintien de l?état d?urgence «d?atteinte aux droits de l?Homme". Leur emboîtant le pas, Abassi Madani, chef du FIS dissous, a, dans son plan intitulé «Le règlement définitif de la crise algérienne», considéré «la levée de l?état d?urgence comme un premier pas vers la résolution de la crise». Le MSP estime, lui, qu?une «parfaite neutralité de l?armée ne peut se concrétiser dans une situation d?état d?urgence». N?étant pas en reste, le PT de Louisa Hanoune, candidate à la présidentielle, n?a jamais hésité à formuler le même avis. Djaballah et Taleb Ibrahimi adoptent pratiquement la même attitude. «Le champ politique est complètement verrouillé», estiment-ils. Le Syndicat autonome du personnel de l?administration publique (Snapap), toujours à l?ombre de l?Ugta, admet, pour sa part, que l?état d?urgence «a quasiment interdit toute action syndicale même lors du licenciement de 800 000 travailleurs et la liquidation de centaines d?entreprises». Côté extérieur, la position américaine est la plus claire. M. Craner, sous-secrétaire d?Etat américain chargé de la Démocratie et des Droits de l?Homme, s?est permis, lors de sa récente visite à Alger, de dire que «le temps est venu pour que l?Algérie se pose la question si la levée de l?état d?urgence pourrait se faire comme une étape complémentaire pour le développement de la démocratie». «L?état d?urgence en Algérie est moins sévère que le Patriotic Act mis en place aux Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre», a répliqué, expéditif, Zerhouni avant d?annoncer que cette mesure administrative «n'est qu'une coordination entre l'armée, la gendarmerie et la police pour défendre le pays», laissant entendre, de la sorte, son opposition ferme quant à la levée d?un dispositif qui, selon lui, «concerne le volet sécuritaire, non (celui) politique». Rachid Benyellès fait partie du cercle restreint de ceux qui ne voient pas la priorité dans la levée de l?état d?urgence. «Ce n?est pas la priorité du pays. Il y en a d?autres, tels les changements à l?intérieur du système, la légitimité des institutions, le respect de la Constitution, dont il faut parler en évitant de se focaliser sur une question relativement accessoire.»