El-Achour Il a 54 ans. Il n?avait jamais mis les pieds dans un poste de police avant. Il se présente pour se constituer prisonnier. Il vient de tuer son fils. Hassen, que les jeunes du quartier appellent Ammi Hassen, est un homme tranquille, en bons termes avec le voisinage. C?est le genre d?homme qui n?aspire qu?à une chose : passer cette vie ici-bas en ne faisant le moins de mal possible à autrui. Malheureusement pour le quinquagénaire, le mal ou le malheur était né de ses propres entrailles et grandissait à mesure que les années passaient. Il y a 25 ans, Hassen était un jeune homme vigoureux et un père heureux. Sa femme venait de lui donner son premier enfant. Il était turbulent, pleurait beaucoup, mais c?est le propre de tout nouveau-né, se disait-il. Mais lorsqu?il le prenait dans ses bras, quelque chose lui disait que cela n?allait pas. Au début, il mit le sentiment bizarre qu?il ressentait au contact du bébé sur le compte de son inexpérience. L?enfant grandit et d?autres naquirent après lui. Quelques années plus tard, la réalité éclata au grand jour. Le premier né est anormal, il est né avec une affection congénitale. Il ne ressemblait ni à ses frères et s?urs ni aux autres enfants. Il ne fréquentait même pas l?école. Il vivait dans son monde à lui, sans rapport avec celui des autres. On tenta tout ce qui était possible et imaginable : médecins et taleb, mais sans résultat. Au bout de plusieurs années, les parents baissèrent les bras et laissèrent leur enfant à son destin. Mais il était écrit que ce destin serait jalonné d?innombrables drames pour finir violemment. L?enfant grandit physiquement près des siens, mais mentalement ailleurs depuis sa prime jeunesse. Il commença à montrer des tendances agressives ; il battait sans raison ses jeunes frères et s?urs. Bien des fois, la scène avait failli tourner au drame, n?était l?intervention des parents pour sauver la victime des mains de son inconscient tortionnaire. Avec l?âge, les colères inexpliquées du jeune homme devinrent de plus en plus violentes et les coups qu?il donnait présentaient un réel danger. La famille frôlait quotidiennement le drame. Les voisins compatissaient à cette souffrance et tenaient des propos de réconfort à l?égard des membres de la famille, victime d?un fou furieux. Le père craignait qu?un jour une mort violente ne vienne endeuiller sa famille. Il n?avait pas tort de prévoir le pire, car son attardé de fils lançait tout ce qui était à sa portée sur ses victimes. Et des fois, c?était un couteau qu?il utilisait dans ses agressions. Vint le jour fatidique. En février 2004, le fils s?attaqua à sa mère avec un couteau. L?agression était si violente que la victime était à deux doigts d?y laisser la vie, n?était l?intervention en catastrophe de Hassen pour éloigner la main inconsciemment criminelle. Pour cette fois, le quinquagénaire ne se contenta pas de désarmer son fils. Dans sa fureur, Ammi Hassen retourna l?arme contre celui-ci et lui transperça le c?ur. L?homme était convaincu qu?il fallait éliminer le danger. Ce fut chose faite. Mais bizarrement pour lui, la tâche n?était pas achevée. Pour ce faire, il entreprit un long travail, qui, il faut le dire, était des plus macabres. Il se mit à découper le cadavre de son fils. Il lui fallut quatre heures pour venir à bout du corps en le découpant en six morceaux et en l?enfouissant dans des sachets-poubelles. Ce n?est qu?après qu?il se présenta au commissariat de police.