Effarés, les soldats français s'étaient mis à plat ventre à l'abri des hauts châssis des GMC, vidant dans toutes les directions les chargeurs de leurs armes. Ayant atteint le sommet d'une crête, nous pouvions avoir sous les yeux le spectacle offert par la jeep renversée sur le bas-côté de la route, réduite en un tas de ferraille sanguinolent par les tirs de la mitrailleuse 30. Notre troisième groupe avait fait du beau travail en anéantissant le véhicule ennemi et toute la belle brochette d'officiers qui se trouvaient à bord. Une rafale de mitrailleuse 30, ça ne pardonne pas, ça ne blesse pas, ça déchiquette et ça vous fait des victimes on ne peut plus mortes ! Si Zoubir et Si Moussa avaient ainsi remarquablement choisi l'emplacement où devait se tenir le groupe à la mitrailleuse. Résultat de l'opération : la jeep détruite et ses occupants - 4 officiers et 1 chauffeur - tués jusqu'au dernier. Les soldats du convoi, toujours abrités sous les camions, continuaient de tirer en l'air, mais ils n'osaient pas s'approcher de l'épave fumante et calcinée de la jeep avant l'arrivée du renfort aérien, lequel ne se manifestera que lorsque nous fûmes déjà loin du théâtre de l'embuscade. C'est le cœur lourd que nous avons escaladé la montagne, ruminant notre déconvenue de ne pas être parvenus à anéantir ce maudit convoi, comme nous avions ferme le dessein, alors que toutes les conditions étaient réunies pour une réussite totale de l'opération. Les détails tactiques les plus minutieux avaient pourtant été étudiés par Si Moussa, qui, avec l'expérience qu'il avait acquise au cours de la guerre d'Indochine, possédait toutes les qualités d'un fin stratège militaire. Cette embuscade aurait dû être une réussite complète, car elle avait été planifiée par Si Zoubir, lequel, il faut le dire, n'avait pas l'âme d'un néophyte en la matière. Le convoi était composé d'à peu près 120 soldats, et nous éprouvions un immense dépit de subir cette déveine, et ce sentiment d'échec nous le ressentions d'autant plus vivement qu'il ne nous avait pas été possible d'accrocher les soldats français, car nous nous étions retrouvés éparpillés, le groupe de Si Zoubir s'étant replié du côté gauche, notre groupe, celui de Si Moussa (dont je faisais partie) allant dans la direction opposée, alors que le troisième groupe, qui détenait la mitrailleuse 30, se trouvait trop loin. Le soir, enfin, notre section s'était regroupée dans un douar que nous nous étions fixé comme lieu de rendez-vous le matin même, avant de partir tendre l'embuscade. Nous fûmes tous présents à l'appel, et la population nous fit un accueil des plus chaleureux. Tous les enfants avaient accouru vers nous, nous sautant au cou pour nous embrasser, nous tirant par la main et fixant nos armes avec une fascination religieuse. La vérité, c'est que nous retrouvions toujours la même ambiance festive lors de nos brefs et fulgurants passages dans les douars. (à suivre...) Par Mohamed-Cherif Ould El-Hocine Effarés, les soldats français s'étaient mis à plat ventre à l'abri des hauts châssis des GMC, vidant dans toutes les directions les chargeurs de leurs armes. Ayant atteint le sommet d'une crête, nous pouvions avoir sous les yeux le spectacle offert par la jeep renversée sur le bas-côté de la route, réduite en un tas de ferraille sanguinolent par les tirs de la mitrailleuse 30. Notre troisième groupe avait fait du beau travail en anéantissant le véhicule ennemi et toute la belle brochette d'officiers qui se trouvaient à bord. Une rafale de mitrailleuse 30, ça ne pardonne pas, ça ne blesse pas, ça déchiquette et ça vous fait des victimes on ne peut plus mortes ! Si Zoubir et Si Moussa avaient ainsi remarquablement choisi l'emplacement où devait se tenir le groupe à la mitrailleuse. Résultat de l'opération : la jeep détruite et ses occupants - 4 officiers et 1 chauffeur - tués jusqu'au dernier. Les soldats du convoi, toujours abrités sous les camions, continuaient de tirer en l'air, mais ils n'osaient pas s'approcher de l'épave fumante et calcinée de la jeep avant l'arrivée du renfort aérien, lequel ne se manifestera que lorsque nous fûmes déjà loin du théâtre de l'embuscade. C'est le cœur lourd que nous avons escaladé la montagne, ruminant notre déconvenue de ne pas être parvenus à anéantir ce maudit convoi, comme nous avions ferme le dessein, alors que toutes les conditions étaient réunies pour une réussite totale de l'opération. Les détails tactiques les plus minutieux avaient pourtant été étudiés par Si Moussa, qui, avec l'expérience qu'il avait acquise au cours de la guerre d'Indochine, possédait toutes les qualités d'un fin stratège militaire. Cette embuscade aurait dû être une réussite complète, car elle avait été planifiée par Si Zoubir, lequel, il faut le dire, n'avait pas l'âme d'un néophyte en la matière. Le convoi était composé d'à peu près 120 soldats, et nous éprouvions un immense dépit de subir cette déveine, et ce sentiment d'échec nous le ressentions d'autant plus vivement qu'il ne nous avait pas été possible d'accrocher les soldats français, car nous nous étions retrouvés éparpillés, le groupe de Si Zoubir s'étant replié du côté gauche, notre groupe, celui de Si Moussa (dont je faisais partie) allant dans la direction opposée, alors que le troisième groupe, qui détenait la mitrailleuse 30, se trouvait trop loin. Le soir, enfin, notre section s'était regroupée dans un douar que nous nous étions fixé comme lieu de rendez-vous le matin même, avant de partir tendre l'embuscade. Nous fûmes tous présents à l'appel, et la population nous fit un accueil des plus chaleureux. Tous les enfants avaient accouru vers nous, nous sautant au cou pour nous embrasser, nous tirant par la main et fixant nos armes avec une fascination religieuse. La vérité, c'est que nous retrouvions toujours la même ambiance festive lors de nos brefs et fulgurants passages dans les douars. (à suivre...)