"Tragédie" Il était une fois une belle ville qui faisait le charme de la côte est. Un vent terrifiant s?acharnait sur la terre, lui arrachant des masses de sable noir qu?il faisait tournoyer. Il faisait ployer, jusqu?à les briser, de grosses branches d?arbres. Il mugissait comme une bête épouvantée et qui s?était libérée d?une cruelle entrave. Le ciel, dont les piliers s?étaient effondrés, tombait lourdement sur la terre, pesant sur elle en un malaise oppressant. Hier à l?aube, les tréfonds de la terre se sont soulevés. La mer, comme aspirée par un monstre goulu, s?était retirée, laissant à nu des récifs esseulés. Les maisons des hommes se sont désagrégées, brisées, éparpillées, comme autant d?esquifs fracassés par une mer en furie, contre une falaise de granit. La détresse fusait. La douleur et la peur mordaient le c?ur des hommes. La mère, échevelée et les yeux fous, n?entendait plus, dans sa fuite éperdue, les cris de son petit, écrasé sous une masse de béton. Les hommes se regardaient avec des yeux hébétés, la gorge nouée. Une plainte, sortie de toutes les angoisses, montait des ténèbres. De loin, venant des horizons noircis et haletants, des râles annonçaient l?agonie de tous ceux qui, hier encore, riaient à gorge déployée, s?aimaient et se haïssaient. Les ombres avalaient la lumière en une aspiration goulue. Les ténèbres s?épaississaient. Le c?ur de la terre palpitait en un fracas effroyable. Les âmes se déchiraient en lambeaux. La nature avait seulement frémi. Mais une embellie luminescente viendra bientôt inonder le cauchemar. Un rayon de bonheur traversera les hommes. Le tumulte s?apaisera et de leurs yeux éblouis, couleront des perles de joie. Un immense soupir balayera le malheur. Le ciel s?ouvrira en jour radieux. Alors, accablés de lumière, les hommes tomberont à genoux et se videront de leur noirceur. De leurs yeux grands ouverts, ils verront qu?un soleil nouveau s?est levé et que l?âge d?or est enfin venu? après une si longue souffrance.