Authenticité De nom français mais d?esprit algérien, Denis Martinez est une figure représentative de la peinture algérienne, puisqu?il prêche la sincérité. Les éditions Le bec en l?air et Barzakh, l?une française et l?autre algérienne, ont consacré à Denis Martinez, artiste peintre, pionnier du mouvement Aouchem, un beau livre dans lequel sont retracées sa vie et sa carrière artistique, soit quarante année de vie intellectuelle ; le texte est accompagné de photographies ainsi que d?illustrations représentant les différentes peintures de l?artiste. Enfin, le livre, riche en témoignages et en enseignements, se clôt sur les immenses fresques murales que l?artiste ne cesse jusqu?à présent de réaliser, et sur lesquelles, s?inspirant de la culture berbère, il imprime, d?un geste spontané, en suivant son instinct, des images symboliques ou des motifs géométriques calqués sur des tatouages que l?on a souvent l?habitude de voir inscrits sur les poteries berbères. Ces formes, plutôt ces tatouages, sont reproduits sur un ton imaginatif. D?une grande gestualité, d?une volubilité débordante, d?un tempérament typique à la Méditerranée, Denis Martinez, même si son nom résonne européen (français), est Algérien ; il est Algérien de par sa naissance, Algérien de par son appartenance à l?Algérie, Algérien de par son attachement à ce pays qui lui a permis de découvrir la société algérienne, de la connaître, de l?assimiler, donc de la faire sienne à travers sa diversité culturelle. Denis Martinez se sent d?ailleurs ? et il le dit si bien ? plus algérien que français. Car c?est en Algérie qu?il puise toute cette sève créatrice, toute sa personnalité. Né en 1941 à Mers El-Hadjadj, un village côtier à quelques kilomètres d?Oran, Denis Martinez se retrouve, quelques années plus tard, à Blida, puis à Alger, où il fait ses études à l?Ecole supérieure des Beaux-Arts. Plus tard, il est chargé de cours dans ladite Ecole où il a animé un atelier de création de peintures. Mais, à la suite des événements de la décennie noire, il dut quitter l?Algérie pour s?installer à Marseille, en terre d?exil, comme il le dit si bien, Denis Martinez, l?«émigré». Denis Martinez est l?un des créateurs du mouvement Aouchem, paru dans les années 1960, au lendemain de l?indépendance, un mouvement pictural typique privilégiant sur la surface du tableau symboles et tatouages, car Denis Martinez prône l?art populaire, une expression authentique, puisée dans le patrimoine, dans les anciennes pratiques, un patrimoine vieux de plusieurs millénaires, qui s?oppose à l?art académique, un art conformiste, stérilisant, artificiel. Il s?oppose notamment ? et farouchement ? à la peinture orientaliste, une peinture qui, réductrice, ramène l?Algérie et donc l?Algérien à une petite vision, mêlée d?exotisme. Sa peinture, voire son art, devient semblable à celui de tant d?artistes qui ont contribué, à ses côtés, à la création du mouvement Aouchem, une référence. Nombre d?étudiants affirment leur appartenance à ce mouvement, réactualisé cependant. Ils déclarent, notamment, leur attachement à celui qui leur a appris à aller vers l?essentiel, à se nourrir de l?authentique. Aujourd?hui, Denis Martinez prêche «l?abâtardissement culturel», c?est-à-dire «le fruit du croisement et d?échanges avec les autres visions», dit-il, ou bien encore «l?ouverture permanente, mais sans perdre de sa personnalité».