Lassitude n A peine le jeûne rompu et l'estomac bien «calé», les Khroubis, grands et petits, réinvestissent la rue momentanément désertée avant l'adhan du Maghreb, en quête de fraîcheur et de détente. Là, au grand dam des veilleurs, l'espoir de vivre une soirée culturelle de qualité est vite dissipé à la vue d'une maigre affiche accrochée à la hâte sur le fronton du centre culturel M'hamed-Yazid, et proposant un programme «mensuel» sommaire totalisant sept manifestations dont une consacrée à la célébration de «Leïlat el-qadr» (la Nuit du destin). Les citoyens, ne pouvant pas se déplacer à Constantine ville qui se taille la part du lion en matière culturelle et artistique, doivent donc se contenter de la chétive offrande qui consiste en trois soirées de malouf, un récital chaâbi et deux conférences animées par la direction des affaires religieuses. Hormis la petite esplanade de la très populeuse cité des 1 600-Logements qui, bien qu'exploitée par des commerçants de tout et de rien, demeure un endroit assez prisé par les familles locales qui se plaisent à y rester jusqu'à une heure tardive de la nuit, les autres espaces susceptibles d'attirer du monde sont inexploités, à l'exemple du Tombeau de Massinissa. «Pourtant, ces endroits pourraient aisément, avec un peu de bonne volonté, accueillir des galas ou autres soirées pour oublier la canicule, la soif et la faim du jeûneur et le préparer psychiquement à une autre journée d'abstinence qui s'annonce plus chaude encore», comme l'a souhaité Mostefa, un septuagénaire originaire des lieux. Un couple qui s'amusait à suivre les prouesses de sa fillette de cinq ans à peine qui déploie de gros efforts pour se maintenir en équilibre sur l'un des rares bancs encore debout, dénonce haut et fort ce qu'il considère être une «injustice» quant à la répartition des activités culturelles et artistiques de la wilaya, notamment en matière d'art dramatique. «Toutes les manifestations culturelles sont concentrées au chef-lieu de wilaya alors que les autres communes dont El-Khroub font figure de parents pauvres», s'est exclamée, pleine de contrariété, la mère de la petite Aya. Les gens non véhiculés ne peuvent donc pas espérer suivre une belle pièce de théâtre ou assister à un spectacle de qualité programmé exclusivement à Constantine, car trouver un moyen de transport pour rentrer à minuit est très difficile, voire impossible, affirme le mari sans quitter des yeux son enfant. En attendant des jours meilleurs, les habitants d'El-Khroub qui comptent au nombre des veilleurs les plus invétérés, s'adonnent à d'interminables parties de dominos, de rami ou de dames, sirotant une limonade, un jus de fruit, un café ou un thé à la menthe. Rien de bien original, sauf que «c'est toujours ça de pris», glisse malicieusement le vieux Mostefa.