Opposition La Casbah en haut, la ville «européenne» en bas, le contraste est flagrant. Mais depuis de longues années, les deux parties ont appris à mieux se connaître, à s?apprivoiser en dessinant une fresque unique : le vieil Alger. Seulement si la ville d?en bas, ressemble pratiquement à toutes les villes, Oran, Constantine ou Annaba, La Casbah, elle, a toujours voulu garder jalousement son cachet spécifique, comme si elle voulait dire qu?une Casbah ne se construit qu?une seule fois. Il n?y a pas de ligne droite, car La Casbah est énigmatique et ses énigmes ne peuvent être jalousement sauvegardées que dans des culs-de-sac empruntés par les seuls riverains. Des années plus tard, la frappante originalité est en nette déperdition. «Les temps ont bien changé. La Casbah ne conserve plus toute sa saveur d?antan et toute sa poésie», se désole aujourd?hui, Ammi Rabah, boucher de son état, et natif de la Basse Casbah. «Elle a été conçue pour être dominatrice, elle est aujourd?hui, dominée, agressée de toute part», ajoute-t-il sur un air désolant. Ammi Mohamed, un dinandier de père en fils, partage le même avis : «La Casbah fesedha ezman (maudite par le temps). Elle n?est aujourd?hui ni accueillante ni sereine. Avec ses enfants, elle est toujours là et elle résiste.» Les enfants de La Casbah ? Voilà un sujet aussi vieux que la citadelle elle-même. Il est surtout si brûlant que le fait de poser la question à n?importe actuel Kesbadji nécessite une sacrée dose de courage, de peur d?être taxé, maladroitement de «diviseur» ou de «semeur de zizanie». Dans La Casbah, où pratiquement plus personne ne paie le loyer, faute de bourse conséquente, tout le monde dit être de La Casbah. Alors inutile de reposer mille fois la question?