D'où qu'on puisse la regarder, Alger offre le spectacle inédit d'une ville bâtie en cascade. Les maisons s'agrippent à la colline et semblent glisser vers la mer. Véritable puzzle dont les clefs sont enfouies dans les recoins des habitations, séculaires pour certaines, trop actuelles pour d'autres. En son coeur, se dresse l'incontournable Casbah, mémoire d'un passé riche et tumultueux. Une cité qui passionne et suscite bien des polémiques. Alger vit au rythme de ses habitants. Une fourmilière qui gronde et s'agite la journée pour disparaître, le soir venu. La ville change et mue au gré de ces mouvements incessants. Et finit par ressembler aux gens qui l'habitent. La ville s'étire pour contenir le nombre grossissant d'Algérois. De nouveaux quartiers émergent, d'autres s'évanouissent sous les caprices et les aléas du temps qui passe. Alger la blanche, mythe ou réalité. C'est selon. Comme toutes les capitales du monde, "El Bahdja" est d'abord une grande concentration urbaine, un microcosme qui rassemble les extrêmes et accueille des individus d'horizons divers. La vie dans cette cité diffère d'un endroit à l'autre, d'un quartier à l'autre. En descendant du bateau, le visiteur se retrouve de plain-pied dans le quartier populaire de la Place des Martyrs sous l'oeil bienveillant de la vieille Casbah, bien droite malgré les innombrables coups reçus. Fière et altière, elle refuse d'abdiquer, portant en elle la mémoire d'un pan de notre histoire ancestrale. La tentation pousse le curieux à la recherche de sensations nouvelles, à la visiter. Elle l'accueille avec une certaine pudeur car les murailles et les forts qui ont fait sa gloire ont disparu. Ses belles maisons mauresques sont murées comme cachées pour mieux se préserver. Mais Alger n'est pas seulement la Casbah. A l'image de beaucoup de capitales du monde, le centre-ville s'étend et se ramifie. La poapulation ne cesse de grossir sous l'effet de l'exode amplifié par la décennie du terrorisme. Difficultés et charmes cachés de quartiers bigarrés Le centre-ville est flanqué de deux vieux quartiers les plus peuplés d'Alger: Bab El Oued et Belcourt. Deux pôles de concentration d'une population dense et bigarrée. Une foule déferlante, pressée, nerveuse arrachée à des logis exigus et d'aspect ingrat. La cohue aux abords des marchés et dans les échoppes renseigne sur le besoin incontrôlé de communication. Ici, les gens sont simples et généreux, bien que coléreux et irritables. Un va-et-vient incessant caractérise ces lieux autrefois habités par les colons de condition modeste. La langue parlée dans ces quartiers est directe, franche sans fioritures, une espèce de jargon que seuls les gens d'ici captent et comprennent. La vie est simple mais dure. Le luxe est timide ou au contraire ostentatoire, brandi comme une marque de privilège. Le centre-ville aux immeubles jadis luxueux, mais décrépis aujourd'hui, gardent néanmoins leur prestance abritant des appartements spacieux dits de standing où réside une population de condition sociale moyenne mais distincte de celle habitant les lieux à forte concentration populaire. Sur les hauteurs d'Alger vit une population rare, furtive, réfugiée, pour la plupart, derrière de hautes murailles dans des maisons spacieuses et ombragées. Des intonations étrangères ponctuent leur langage dénotant d'un niveau social aisé et un tantinet "raffiné". Aux abords de la ville, s'étendent ces fameuses cités-dortoirs érigées dans l'urgence face à une démographie galopante, conférant un contraste frappant entre l'architecture coloniale et celle post-indépendance. La population de ces cités y a été casée à la suite de catastrophes naturelles et à la faveur d'innombrables opérations de relogement des habitants des bidonvilles. Une population d'horizons divers se côtoie et se supporte mal. Dans ce qui reste d'Alger, toutes zones confondues, se mêlent maintenant des tours hautes, trop hautes, pour l'habitat, glaciales, tout en béton, tout en préfabriqué, tout en verre, pour le commerce et les affaires...