Perte n Considéré comme le Ibn Khaldoun des temps modernes, Arkoun Mohamed s'est éteint mardi dernier dans un hôpital parisien à l'âge de 82 ans, en laissant derrière lui de profondes réflexions sur l'Islam. «Tous les Arabes se plaignent de ne pas avoir d'intellectuels, il faut se donner le temps de savoir qu'il y en a et qu'il faut les lire.» Ce sont là les mots qu'avait prononcés le grand spécialiste de la pensée islamique, Mohamed Arkoun, en 2005 à Paris. Il faisait, de son vivant, partie de ces intellectuels phares du monde arabe, peu considérés chez eux. Mohamed Arkoun s'est éteint mardi dernier dans un hôpital parisien à l'âge de 82 ans. Toutefois, l'œuvre qu'il a léguée aux générations présentes et futures perpétuera son imminente réflexion philosophique sur la pensée islamique. Ces réflexions lui ont permis d'être l'un des professeurs les plus influents dans l'étude islamique contemporaine. D'ailleurs, il enseigna «l'islamologie appliquée», une discipline qu'il développa dans plusieurs universités européennes et américaines. Bien que méconnu chez lui, Arkoun, professeur émérite d'histoire et de la pensée islamique à la Sorbonne, avait une renommée mondiale. Il consacra son étude, entre autres, au dialogue entre les religions, à savoir le monde musulman et occidental, à la laïcité et aussi à la politique. Il est en effet l'un des défenseurs de la laïcité dans les pays arabes. Toutefois, il ne manquait pas de préciser l'importance de prendre en compte les spécificités historiques et culturelles de chaque pays. De par sa vision humaniste et l'apport moderniste dans son étude de l'Islam, Arkoun se révoltait contre la pensée unique et modelée. C'est de cette manière qu'il s'est inscrit dans la branche critique du réformisme musulman. Il n'avait de cesse de plaider pour repenser l'Islam et l'adapter aux temps modernes en consacrant plusieurs ouvrages à ce volet. Les ouvrages de référence dans ce cadre sont Lectures du Coran, Penser l'Islam aujourd'hui, The Unthought in contemporary islamic thought, publiés respectivement en 1982, 1993 et 2002. Arkoun débuta sa scolarité dans son village natal, Taourirt Mimoun, à Ath Yenni, où il naquit en 1928, puis il poursuivra ses études secondaires à Oran. Intelligent élève qu'il était, il fait des études de philosophie à la faculté de littérature de l'université d'Alger puis à la Sorbonne à Paris. Il est agrégé en langue et en littérature arabes en 1956 et docteur en philosophie en 1968. Cette perte est regrettée à l'unanimité par le milieu intellectuel aussi bien national qu'étranger. Pour l'heure, le lieu qui accueillera son dernier repos n'est pas défini. Sa famille installée en Kabylie, appuyée par certains intellectuels et autorités du pays, tente de rapatrier son corps alors que son épouse, Marocaine, veut l'enterrer au Maroc.