Souci n Les friperies ne sont pas seulement la destination de travailleurs à faibles revenus ou de chômeurs, mais aussi celle des employés auxquels les salaires ne permettent pas de faire face «dignement» à la rentrée scolaire. La concomitance, comme cette année, de périodes à fortes dépenses a, en effet, amené des personnes non-démunies, ayant même des revenus qui peuvent leur permettre de vivre décemment, à recourir aux vêtements d'occasion. Surtout après le mois de ramadan, connu pour être un rendez-vous qui affaiblit les budgets en raison de la flambée spectaculaire que connaissent les produits de première nécessité mais aussi l'acharnement d'une grande partie de nos concitoyens à garnir leur table du f'tour sans en consommer au final que la moitié, l'autre moitié finissant à la poubelle. L'Aïd El-Fitr a fini par «achever» les plus économes d'entre les ménages. Les magasins de vêtements d'occasion sont alors devenus le dernier recours pour arriver à faire face à l'échéance de la rentrée scolaire. «Allah Ghaleb, je n'ai pas pu priver ma famille de viande, gâteaux et fruits durant le mois sacré de ramadan. Maintenant, je dois faire face aux dépenses de la rentrée scolaire avec ce qui me reste...», a reconnu Djafar, père de quatre enfants, rencontré à la veille de la rentrée des classes, alors qu'il se hâtait de dénicher des vêtements «propres et présentables» dans un magasin de friperie à Belcourt. «On ne pouvait quand même pas aller manger dans les restos de la rahma pour réserver l'argent à l'achat de vêtements. Jeûner plus de 14 heures par jour pour manger le soir du pain et de la pomme de terre. Comment est-ce possible ?», s'interroge Abdelkader, rencontré au même magasin, comme pour justifier les dépenses du mois sacré. D'autres, des employés ou cadres moyens, ont laissé le choix à leurs enfants entre une bonne nourriture pendant le ramadan ou des vêtements neufs pour la rentrée scolaire. C'est le cas de cette mère de famille rencontrée dans une friperie à la rue Hassiba Ben Bouali : «J'ai expliqué à mes trois enfants, deux garçons et une fille, qui étudient au CEM, qu'ils devaient prendre leur propre décision et choisir entre bien manger pendant le ramadan ou bien s'habiller pour la rentrée. Ils ont opté pour le ramadan, en m'affirmant n'accorder aucune importance aux vêtements. Ils sont d'ailleurs là avec moi à dénicher tranquillement ce qui les arrange dans le tas de vêtements d'occasion.» Notre interlocutrice estime avoir eu raison de leur laisser le choix, car elle a souvent vu le refus dans les yeux des nombreux enfants qui l'entourent, de sa famille ou ses amis, quant à ce genre de vêtements. Dans un autre magasin, un père de famille s'échine à expliquer à ses deux enfants, qui rejettent même l'idée de se mettre sur le dos des vêtements d'occasion, son incapacité à leur en offrir de neufs. Le dilemme auquel est confronté ce modeste fonctionnaire dans une administration touche, malheureusement, un grand nombre de chefs de famille, dont la seule issue reste l'endettement pour satisfaire leur progéniture. M. F.