Résumé de la 18e partie n Florine prend les œufs donnés par la vieille et se rend au royaume de Charmant. Après huit jours et huit nuits, elle arrive au pied d'une montagne d'ivoire qu'il est difficile de gravir... Elle fit mille tentatives inutiles ; elle glissait, elle se fatiguait et, désespérée d'un obstacle si insurmontable, elle se coucha au pied de la montagne, résolue de s'y laisser mourir, quand elle se souvint des œufs que la fée lui avait donnés. Elle en prit un : «Voyons, dit-elle, si elle ne s'est point moquée de moi en me promettant les secours dont j'aurais besoin.» Dès qu'elle l'eut cassé, elle y trouva de petits crampons d'or qu'elle mit à ses pieds et à ses mains. Ensuite, elle monta la montagne d'ivoire sans aucune peine car les crampons entraient dedans et l'empêchaient de glisser. Lorsqu'elle fut tout en haut, elle eut de nouvelles peines pour descendre : toute la vallée était d'une seule glace de miroir. Il y avait autour plus de soixante mille femmes qui s'y miraient avec un plaisir extrême car ce miroir avait bien deux lieues de large et six de haut. Chacune s'y voyait selon ce qu'elle voulait être : la rouge y paraissait blonde, la brune avait les cheveux noirs, la vieille croyait être jeune, la jeune n'y vieillissait point ; enfin, tous les défauts y étaient si bien cachés que l'on y venait des quatre coins du monde. Il y avait de quoi mourir de rire, de voir les grimaces et les minauderies que la plupart de ces coquettes faisaient. Cette circonstance n'y attirait pas moins d'hommes ; le miroir leur plaisait aussi. Il faisait paraître aux uns de beaux cheveux, aux autres la taille plus haute et mieux prise, l'air martial, et meilleure mine. Les femmes, dont ils se moquaient, ne se moquaient pas moins d'eux de sorte que l'on appelait cette montagne de mille noms différents. Personne n'était jamais parvenu jusqu'au sommet, et quand on vit Florine les dames poussèrent de longs cris de désespoir : «Où va cette malavisée ? disaient-elles. Sans doute qu'elle a assez d'esprit pour marcher sur notre glace ; du premier pas elle brisera tout.» Elles faisaient un bruit épouvantable. La reine ne savait comment faire, car elle voyait un grand péril à descendre par là ; elle cassa un autre œuf dont il sortit deux pigeons et un chariot qui devint en même temps assez grand pour s'y placer commodément ; puis, les pigeons descendirent doucement avec la reine, sans qu'il lui arrivât rien de fâcheux. Elle leur dit : «Mes petits amis, si vous vouliez me conduire jusqu'au lieu où le roi Charmant tient sa cour vous n'obligeriez point une ingrate.» Les pigeons, civils et obéissants, ne s'arrêtèrent ni jour ni nuit avant qu'ils ne fussent arrivés aux portes de la ville. Florine descendit et leur donna à chacun un doux baiser plus estimable qu'une couronne. Oh ! que le cœur lui battit en entrant ! Elle se barbouilla le visage pour n'être point connue. Elle demanda aux passants où elle pouvait voir le roi. Quelques-uns se prirent à rire ! «Voir le roi ? lui dirent-ils. Oh ! que lui veux-tu ma mie Souillon ? Va, va te décrasser, tu n'as pas les yeux assez bons pour voir un tel monarque.» La reine ne répondit rien : elle s'éloigna doucement et demanda encore à ceux qu'elle rencontra où elle se pourrait mettre pour voir le roi. «Il doit venir demain au temple avec la princesse Truitonne, lui dit-on, car il consent enfin à l'épouser.» A suivre Contes merveilleux