Résumé de la 10e partie n Pour faire plaisir à Florine, l'Oiseau Bleu alla à son palais et entra dans son cabinet par une vitre cassée ; il prit des pendants d'oreilles de diamants, les apporta à Florine et la pria de s'en parer. «Il est inutile de me régaler d'une montre, dit-elle galamment. Quand vous êtes éloigné de moi, les heures me paraissent sans fin ; quand vous êtes avec moi, elles passent comme un songe : ainsi je ne puis leur donner une juste mesure. — Hélas ! ma princesse, s'écria l'Oiseau Bleu, j'en ai la même opinion que vous et je suis persuadé que je renchéris encore sur la délicatesse. — Après ce que vous souffrez pour me conserver votre cœur, répliqua-t-elle, je suis en état de croire que vous avez porté l'amitié et l'estime aussi loin qu'elles peuvent aller.» Dès que le jour paraissait, l'Oiseau volait dans le fond de son arbre où des fruits lui servaient de nourriture. Quelquefois encore il chantait de beaux airs. Sa voix ravissait les passants : ils l'entendaient et ne voyaient personne ; aussi, il était conclu que c'étaient des esprits. Cette opinion devint si commune que l'on n'osait entrer dans le bois : on rapportait mille aventures fabuleuses qui s'y étaient passées et la terreur générale fit la sûreté particulière de l'Oiseau Bleu. Il ne se passait aucun jour sans qu'il fît un présent à Florine : tantôt un collier de perles ou des bagues des plus brillantes et des mieux mises en œuvre, tantôt des attaches de diamants, des poinçons ou des bouquets de pierreries qui imitaient la couleur des fleurs, des livres agréables, des médailles. Enfin, elle avait un amas de richesses merveilleuses. Elle ne s'en parait jamais que la nuit pour plaire au roi ; le jour, n'ayant pas d'endroit où les mettre, elle les cachait soigneusement dans sa paillasse. Deux années s'écoulèrent ainsi sans que Florine se plaignît une seule fois de sa captivité. Et comment s'en serait-elle plainte ? Elle avait la satisfaction de parler toute la nuit à celui qu'elle aimait ; il ne s'est jamais tant dit de jolies choses. Bien qu'elle ne vît personne et que l'Oiseau passât le jour dans le creux d'un arbre, ils avaient mille nouveautés à se raconter : la matière était inépuisable, leur cœur et leur esprit fournissaient abondamment de sujets de conversation. Cependant, la malicieuse reine, laquelle la retenait si cruellement en prison, faisait d'inutiles efforts pour marier Truitonne. Elle envoyait des ambassadeurs la proposer à tous les princes dont elle connaissait le nom : dès qu'ils arrivaient, on les congédiait brusquement. « S'il s'agissait de la princesse Florine, vous seriez reçus avec joie, leur disait-on ; mais pour Truitonne, elle peut rester vestale sans que personne s'y oppose.» A ces nouvelles, sa mère et elle s'emportaient de colère contre l'innocente princesse qu'elles persécutaient : «Quoi ? Malgré sa captivité, cette arrogante nous traversera ! disaient-elles. Quel moyen de lui pardonner les mauvais tours qu'elle nous fait ? Il faut qu'elle ait des correspondances secrètes dans les pays étrangers : c'est tout au moins une criminelle d'Etat. Traitons-la sur ce pied et cherchons tous les moyens possibles de la convaincre.» Elles finirent leur conseil si tard qu'il était plus de minuit lorsqu'elles résolurent de monter dans la tour pour l'interroger. (à suivre...)