Constat n Une sage-femme sur deux ferait l'objet de poursuites judiciaires. Cette activité professionnelle, pourtant noble, ne cesse de devenir, faute de protection judiciaire, un métier à risques... Soupçonnées d'erreurs médicales, nombreuses sont les sages-femmes à se retrouver sur le banc des accusés. Les derniers chiffres avancés par l'Union nationale des sages-femmes algériennes (Unsfa) estiment que 50% d'entre elles font l'objet de poursuites judiciaires pour erreurs commises à l'égard de la parturiente ou du nouveau-né. En effet, un manque d'oxygène ou une naissance traumatique peuvent laisser des séquelles définitives telles que l'infirmité motrice d'origine cérébrale (Imoc), une paralysie du bras suite à une atteinte du Plexus brachial (PB), voire coûter la vie à un enfant. La mère court également un grand risque qui peut aller jusqu'à de graves complications et la mort. Ces erreurs inscrites, le plus souvent, sur le compte de ces accoucheuses ne relève pas toujours de leur responsabilité. Cela peut être imputé à la situation même de l'accouchement, aux moyens matériels disponibles dans les maternités et aussi à la formation dispensée. Pour cette raison, l'Unsfa rejette le recours systématique et intensif à la justice en l'absence de toute protection en faveur de ces fonctionnaires de la santé publique. Exerçant une profession médicale à part entière qui comporte de lourdes responsabilités, les sages-femmes, confrontées au manque d'effectifs, à une formation inapropriée à l'usage de certains matériels, à des capacités de réception inadéquates, exercent dans des conditions très dures : horaires irréguliers, gardes de nuit, stress… Une grande résistance à la fatigue physique et nerveuse leur est nécessaire pour pratiquer. Autre élément qui vient alourdir leur tâche : l'absence de spécialistes tels que les gynécologues et les pédiatres au niveau des maternités, en particulier dans les zones rurales. En effet, aidées des technologies de pointe (monitoring, échographes…), les sages-femmes assurent toutes seules les trois quarts des accouchements. Seulement, lorsque des complications surviennent, elles doivent savoir apprécier la situation et agir très vite, avec l'aide d'un gynécologue obstétricien ou un chirurgien. Nombreuses sont celles qui pour parer au plus urgent, à un moment critique de l'accouchement, en l'absence de soutien médical sont obligés d'intervenir hors de leur champ d'action et de procéder à des actes médicaux ou chirurgicaux qui ne sont pas de leur domaine de compétence et leur sont donc interdits par la loi. Quant à l'accouchement à domicile, et dans l'obligation de venir en aide à des personnes en danger, les accoucheuses doivent se fier à leur expérience et à leur sens du devoir pour secourir les parturientes. Mme Akila Guerrouche explique qu'«il y a eu mauvaise interprétation de l'interdiction de pratiquer l'accouchement à domicile». «Une volonté d'aller vers la médicalisation de l'accouchement existe, mais cela n'exclut pas le devoir de la sage-femme d'assister à un accouchement là où elle se trouve. Tout comme lors d'une catastrophe naturelle, dans un avion, une maison…», ajoute-t-elle. Aussi noble soit-il, les conditions d'exercice de ce métier, en nette dégradation ces dernières années, ont besoin d'être revues. Le statut qu'élabore le cabinet de Ould Abbès pour la corporation de la santé fera-t-il évoluer les choses ?