Résumé de la 2e partie n La princesse, en se servant du fuseau de la vieille dame, se pique. Elle sombre dans un profond sommeil. Le roi défend que l'on s'approche d'elle... Ces défenses n'étaient pas nécessaires car il crût dans un quart d'heure tout autour du parc une si grande quantité de grands et petits petits, de ronces et d'épines entrelacées les unes dans le autres que ni bête ni homme n'y auraient pu passer : en sorte qu'on ne voyait plus que le haut des tours du château, encore n'était-ce que de bien loin. On ne douta point que la fée n'eût encore fait là un tour de son métier afin que la princesse n'eût, pendant qu'elle dormirait, rien à craindre des curieux. Au bout de cent ans, le fils du roi, qui régnait alors et qui était d'une autre famille que la princesse endormie, et étant allé à la chasse de ce côté-là, demanda ce que c'était que ces tours qu'il voyait au-dessus d'un grand bois fort épais. Chacun lui répondit selon qu'il en avait ouï parler : les uns disaient que c'était un vieux château où il revenait des esprits, les autres que tous les sorciers de la contrée y faisaient leur sabbat. La plus commune opinion était qu'un ogre y demeurait et que là il emportait tous les enfants qu'il pouvait attraper pour pouvoir les manger à son aise, et sans qu'on pût le suivre, ayant seul le pouvoir de se faire un passage au travers du bois. Le Prince ne savait qui croire, lorsqu'un vieux paysan prit la parole et lu dit : — Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai entendu dire de mon père qu'il y avait dans ce château une princesse, la plus belle du monde, qu'elle devait y dormir cent ans et qu'elle serait réveillée par le fils d'un roi à qui elle était réservée. Le jeune prince se sentit, à ce discours, tout de feu : il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure. Et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. A peine s'avança-t-il vers le bois que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer : il marche alors vers le château qu'il voyait au bout d'une grande avenue et entra, et ce qui le surprit un peu c'est qu'il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il continua donc son chemin : un prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'étaient que des corps étendus d'hommes et d'animaux qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre ; il monte l'escalier ; il entre dans la salle de gardes qui étaient rangés en haie, l'arme sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de gentilshommes et de dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis ; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous les côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle. (à suivre...)