«Je vais vous donner un pli que la princesse lira et apprendra par c?ur, alors l?oiseau ne lui fera plus peur ! Mais cette missive ne doit pas voir la lumière du jour. Je vais vous la glisser sous la porte, vous devez la mettre rapidement sous votre vêtement. Prenez soin, surtout, de bien la cacher et de garder, nuit et jour, la main bien posée dessus. Sinon le talisman perdra son pouvoir et l?oiseau de nuit poursuivra votre fille toute sa vie !» Comme il faisait sombre, le roi prit le pli à tâtons, le glissa sous son burnous. Pendant sept jours et sept nuits, le pauvre roi garda la main dessus. Arrivé à Alger, il courut dans la chambre de sa fille, fit éteindre les lumières ; la princesse tira sur elle les rideaux de son lit à baldaquin et grâce à une petite chandelle lut enfin ce qui était écrit sur le parchemin. «Sans m?avoir jamais vu, tu t?es éprise de moi, Tu as dépêché, comme simple émissaire, ton père le roi ! Sache que le jour où le soleil, fatigué de ses frasques, Prendra la lune dans ses bras, Le prince aux sept masques Peut-être, alors, tu verras !» Le jeune fille lut, relut la missive puis se mit à pleurer. Ses larmes coulaient, coulaient comme des fontaines et finirent par mouiller le parchemin ; elle pleura encore jusqu?au matin, l?encre se dilua peu à peu et l?écriture disparut. Elle pleura encore plus fort, alors sur ce même parchemin apparurent en lettres d?or les mots : «Venge toi !» Bouton de rose essuya ses yeux rougis, ouvrit portes et fenêtres, fit appeler sa mère et lui dit : «Je veux que la garde et l?équipage du navire au grand mât, encore sur la côte en mouillage, m?emmènent dès ce matin en Arabie, car tel est mon destin !» La mère lut une telle détermination dans le regard de la princesse qu?elle s?exclama : «Les malheurs et les épreuves de ma pauvre fille vont commencer !» Le roi, se rappelant la prédiction, décida d?enfermer la princesse afin de la protéger de la prophétie du Djinn rouge. Au palais, on éteignit les lumières, on voila les miroirs, les portes et les volets restaient nuit et jour tristement fermés. Les jets d?eau se tarirent, les oiseaux désertèrent les jardins sans fleur ni feuille et le royaume d?Alger se mit en deuil. Le prince aux sept masques Bientôt, Bouton de rose arriva en Arabie et, pour pouvoir s?en retourner précipitamment, elle demanda à l?équipage de tenir, nuit et jour, le navire prêt à appareiller. La princesse se déguisa en pauvresse, quitta le navire et alla frapper à la porte du château. On l?introduisit chez la fille du roi : «Je voudrais travailler, demanda humblement, Bouton de rose, comme servante ou...» La fille du roi, en colère, l?interrompit : «Puisque tous les jours, on en tue une dans ce palais, il faut bien que tous les jours, on en engage d?autres !» L?allure, la beauté, la manière de parler et surtout la culture de la belle inconnue, la hissa tout de suite au rang de dame de compagnie. Mais le surlendemain, Bouton de rose demanda à sa maîtresse : «Je veux aller servir le prince aux sept masques.» «Malheureuse ! s?écria la fille du roi, malheureuse, tu seras exécutée en fin de journée, ou tout au plus le lendemain matin !» «Qu?importe, si tel est mon destin», répliqua Bouton de rose. La maîtresse lut une telle détermination dans son regard que, la mort dans l?âme, elle lui permit d?aller servir le prince aux sept masques. Mais avant de lui dire adieu, elle lui chuchota : «Tiens, prends ce petit flacon, une goutte de cet élixir suffit à celui qui la boit pour être reçu au royaume du sommeil, je sais que tu es très sage, alors fais-en bon usage !» Puis la fille du roi détourna son visage pour cacher son chagrin, Bouton de rose, le lendemain, fut lavée, massée, coiffée, parée comme une reine puis on l?introduisit dans l?appartement du prince aux sept masques. La jeune fille ouvrit la première porte. Une pénombre humide et profonde l?enveloppa. Loin de s?affoler, la courageuse petite princesse cria : «Majesté, puis-je entrer ? Je rends grâce à vous et à l?obscurité qui m?a accueillie. Majesté, puis-je entrer ? Dans cette belle nuit, ou dois-je retourner dans mon pays ?». (à suivre...)