Résumé de la 2e partie n La reine présenta sa fille, habillée et parée de bijoux, mais le roi Charmant détourna ses yeux et demanda à voir une autre princesse appelée Florine… La reine au désespoir, et Truitonne inconsolable de n'avoir pas la préférence sur la princesse, firent de grandes plaintes au roi et l'obligèrent de consentir que pendant le séjour du roi Charmant on enfermerait Florine dans une tour où ils ne se verraient point. En effet, aussitôt qu'elle fut retournée dans sa chambre, quatre hommes masqués la portèrent au haut de la tour et l'y laissèrent dans la dernière désolation car elle vit bien que l'on n'en usait ainsi que pour l'empêcher de plaire au roi, qui lui plaisait déjà fort et qu'elle aurait bien voulu pour époux. Comme il ne savait pas les violences que l'on venait de faire à la princesse, il attendait l'heure de la revoir avec mille impatiences. Il voulut parler d'elle à ceux que le roi avait mis auprès de lui pour lui faire plus d'honneur mais par l'ordre de la reine ils lui dirent tout le mal qu'ils purent : qu'elle était coquette, inégale, de méchante humeur, qu'elle tourmentait ses amis et ses domestiques, qu'on ne pouvait être plus malpropre, et qu'elle poussait si loin l'avarice qu'elle aimait mieux être habillée comme une petite bergère que d'acheter de riches étoffes de l'argent que lui donnait le roi, son père. A tout ce détail, Charmant souffrait et se sentait des mouvements de colère qu'il avait bien de la peine à modérer. «Non, disait-il en lui-même, il est impossible que le Ciel ait mis une âme si mal faite dans le chef-d'œuvre de la nature. Je conviens qu'elle n'était pas proprement mise quand je l'ai vue mais la honte qu'elle en avait prouve assez qu'elle n'était point accoutumée à se voir ainsi. Quoi ? Elle serait mauvaise avec cet air de modestie et de douceur qui enchante ? Ce n'est pas une chose qui me tombe sous le sens ; il m'est bien plus aisé de croire que c'est la reine qui la décrie ainsi : on n'est pas belle-mère pour rien, et la princesse Truitonne est une si laide bête qu'il ne serait point extraordinaire qu'elle portât envie à la plus parfaite de toutes les créatures.» Pendant qu'il raisonnait là-dessus, des courtisans qui l'environnaient devinaient bien à son air qu'ils ne lui avaient pas fait plaisir de parler mal de Florine. Il y en eut un plus adroit que les autres, lequel, changeant de ton et de langage pour connaître les sentiments du prince, se mit à dire des merveilles de la princesse. A ces mots, il se réveilla comme d'un profond sommeil et entra dans la conversation : la joie se répandit sur son visage. Amour, amour, que l'on te cache difficilement ! Tu parais partout : sur les lèvres d'un amant, dans ses yeux, au son de sa voix. Lorsqu'on aime, le silence, la conversation, la joie ou la tristesse, tout parle de ce qu'on ressent. La reine, impatiente de savoir si le roi Charmant était bien touché, envoya quérir ceux qu'elle avait mis dans sa confidence, et elle passa le reste de la nuit à les questionner. Tout ce qu'ils lui disaient ne servait qu'à confirmer l'opinion où elle était, que le roi aimait Florine. Mais que vous dirai-je de la mélancolie de cette pauvre princesse ? Elle était couchée par terre dans le donjon de cette horrible tour où les hommes masqués l'avaient emportée. «Je serais moins à plaindre, disait-elle, si l'on m'avait mise ici avant que j'eusse vu cet aimable roi : l'idée que j'en conserve ne peut servir qu'à augmenter mes peines. (à suivre...)