Aventure n Il serre des mains timidement, toujours souriant. Il brûle d'aller dans une chambre d'hôtel, de prendre une bonne douche et de s'affaler sur un lit. Le 21 mai 1927, un avion américain, le «Spirit of Saint Louis», s'apprête à atterrir à l'aéroport parisien du Bourget. La police a de la peine à contenir la foule qui s'est mise déjà à applaudir et à crier des bravos ! Des journalistes, des artistes, des hommes politiques sont là, eux aussi, pour acclamer le héros du jour : le jeune aviateur qui pilote l'avion, un certain Charles Lindbergh. — L'avion se pose ! crie quelqu'un. En effet, l'avion atterrit. Les gens se précipitent. — Halte ! Halte ! Mais personne n'écoutent les policiers dont le cordon de sécurité est vite rompu. On court de toutes parts. Certains veulent accueillir le pilote, d'autres arrachent des morceaux de toile de l'avion, des reliques qu'on veut garder comme souvenir de cet exploit ! Le pilote a beaucoup de mal à descendre. On le touche, on lui sert la main, on l'embrasse même. — Bravo ! Bravo ! Le jeune homme – il a vingt-cinq ans –, beau et svelte, enlève son casque et sourit à la foule. On attend qu'il dise quelque chose. Il sourit encore et lâche : — Well, i id it ! Beaucoup ne comprennent pas l'anglais. Quelqu'un traduit : — Oui, je l'ai fait ! C'est un tonnerre d'applaudissements. — bravo ! bravo ! Oui, il l'a vraiment fait, comme il l'a déclaré quand il avait, deux jours auparavant, décollé de l'aéroport de Roosevelt, à Long Island, aux Etats-Unis : il allait traverser l'Atlantique ! Ce n'est pas tant la traversée de l'Atlantique qui était à l'époque un exploit, puisque on le faisait déjà, mais le fait de le faire en solitaire, en vol direct, sans escale ! Quand il s'est engagé dans cette aventure, ses amis l'avaient averti. — C'est très dangereux, un vol en solitaire. Sa jeune femme aussi n'était pas enthousiaste. — tu risques ta vie… personne ne l'a jamais fait ! Et lui, souriant, de répondre. — il faut bien que quelqu'un le fasse ! Et Charles Lindbergh l'a fait : il a traversé l'Atlantique en 33 heures, 30 minutes, avec comme seules provisions en carburant 2 000 litres d'essence, deux sandwichs et deux barres de chocolat comme nourriture ! Des questions fusent déjà. — comment s'est passé le vol ? — avez-vous eu peur ? avez-vous eu des problèmes ? Charles Lindbergh sourit : il ne parle pas français. — il faut lui traduire, dit quelqu'un ! — non, non, laissez-le, il est fatigué ! — c'est vrai, il tiendra plus tard une conférence de presse ! (à suivre...)