Résumé de la 1re partie n Dans un journal trouvé dans la rue, Sean O'Casey lit à son épouse l'annonce d'un certain M. Milaney qui promet d'aider ses frères déshérités... J'ai choisi ce chiffre parce qu'il indique malheureusement la part de mes économies que je peux consacrer à aider trois malheureux. Je dis bien trois, et chacun d'eux, s'il parvient à accomplir ce que je demande, se verra donc attribuer 11 700 dollars divisés par trois, c'est-à-dire une part de 3 900 dollars. Ainsi, j'espère donc bien - grâce à Dieu - donner une chance à trois de mes nouveaux compatriotes. Je dis nouveaux... Mais après tout pourquoi ? Mon offre s'adresse à tout habitant de la libre Amérique à condition qu'il soit vraiment dans la misère et qu'il puisse le prouver...» Mary s'interrompt dans sa lessive : — Sean O'Casey, on dirait que ce fameux M. Milaney habite dans le quartier, c'est certainement à toi qu'il a pensé en écrivant son annonce. C'est ton portrait tout craché. Et qu'est-ce qu'il faut faire pour récupérer le magot ? Se présenter à son domicile ? — Mais non, il faut d'abord écrire... pour expliquer sa situation. — Je vois que les difficultés commencent. Surtout s'il exige qu'on ne fasse pas de fautes d'orthographe. Sean et Mary O'Casey ne sont pas les seuls à lire l'annonce du généreux M. Milaney. A quelques blocs de là, dans un taudis semblable au leur, d'autres familles lisent, elles aussi, avec plus ou moins de difficultés, la proposition de Barnaby H. Kesler Milaney. C'est le cas de Pavel Sholemski qui n'arrive pas, lui, d'Irlande. Il y a plusieurs années qu'il a débarqué de Pologne, à New York, et la seule chose qu'il soit parvenu à faire c'est une nombreuse famille... avec l'aide de sa femme, la pauvre Rachel déjà toute déformée par les naissances et la mauvaise nourriture. — Tu te rends compte, Rachel, il propose 3 900 dollars à chacun des trois hommes courageux qui seraient prêts à montrer leur détermination, leur volonté de s'en sortir... — S'en sortir, mon pauvre Pavel... Dieu préserve... Tu crois que c'est une proposition honnête ? — Ecoute la suite : «Avec les 3 900 dollars qu'il aura gagnés en quelques minutes et sans accomplir rien de malhonnête ni d'illégal, chacun de ceux qui seront sélectionnés pourra ouvrir un petit commerce, ou nourrir sa famille jusqu'à ce qu'il ait trouvé un emploi décent ou envoyer ses enfants à l'école sans qu'ils soient obligés de travailler dès leur plus jeune âge...» — Et qu'est-ce qu'il faut faire pour être sélectionné Pavel ? — «Les trois candidats devront prouver qu'ils appartiennent bien à la race des hommes courageux dont l'Amérique a besoin. Ils devront, en public, démontrer leur courage, physique et moral.» Gianfranco Moreloni, lui aussi, vit dans la misère avec toute sa nichée. Chez lui aussi une épouse accablée de tâches ménagères écoute avec intérêt et scepticisme la suite de la proposition du généreux Barnaby Milaney. Gianfranco, en butant un peu sur les mots anglais, donne plus de détails. — «Ceux qui seront sélectionnés devront pour mériter les 3 900 dollars accomplir un des exploits suivants, au choix : Proposition A : Déguster un saladier rempli de cloportes vivants...» Sean O'Casey, Pavel Sholemski et Gianfranco Moreloni ont tous les trois le même haut-le-cœur en lisant cette ligne. Et chacun dans sa langue maternelle s'écrie. — Bouffer un saladier de cloportes vivants, mais c'est dégueulasse ! Ce bonhomme est fou ! (à suivre...)