Scène n Jeudi soir le Centre culturel français organisait dans sa section arts de la scène, le concert de Sandra Nkake. Les habitués des programmes du CCF ont répondu présents en masse à la salle Cosmos à Ryad el-Feth. Ce qui est déjà un excellent point en soi puisque le public d'Alger a tendance a déserté les salles de spectacle depuis quelques mois. C'est donc dans une salle quasiment comble que l'artiste franco-camerounaise fait son entrée sur scène. Très sereine elle donne l'impression d'être en terrain conquis et se lance au micro dans un délire de nappes vocales hallucinant. Puis la magie du dumb opère pour faire de ces différentes nappes un fond orchestral pour accompagner cette voix qui, en réalité et grâce à la technologie du son, s'accompagne elle-même. Et c'est une fois le morceau finalisé que le public comprend le sens de cette entrée en matière plus que spéciale. Et Sandra regarde la salle, l'air de dire je savais que cela ne pouvait que vous plaire. «On ne va jamais très loin tout seul», lançait la diva pour faire entrer Didier Combrouse et sa guitare, Mounir Messaoud et sa basse, et mettre Jean Max Mery et Jon Grandcamp derrière leurs clavier et batterie. Très vite on la découvre en sulfureuse rockeuse, un personnage explosif sur scène qui chante un rock entrecoupé de slam en français comme dans we're gonna rise. Un peu de distorsion plus tard, le son s'apaise et devient beaucoup plus funky et le clavier et la basse prennent tout leur sens. Sur scène on découvre encore le personnage de Sandra qui se transforme en mime et en danseuse. Elle illustre elle-même les textes qu'elle chante, elle danse mais pas de chorégraphie, on sent la petite fille qui s'amuse. Sa voix aussi douce que puissante finit par convaincre les plus rétissants ‘I miss my land', il suffit de ce titre pour qu'elle réinvente encore son univers et se transforme en diva du jazz des années 30, avec des airs de Tina Turner, sa voix devient poignante et le rythme plus entraînant. Et juste après encore, un autre monde, on passe à une reprise très soul de ‘La mauvaise réputation' hommage à Georges Brassens. Cette chanson elle la murmure mais elle en fait une pièce théâtrale en même temps. Impressionnant aussi l'osmose entre Sandra et son public, un public qui n'a jamais connu de spectacle de ce genre. Et une artiste qui ne s'est jamais produite à Alger. La personnalité de l'artiste a fait en sorte que la magie opère. Ça a marché pour la simple raison que cette jeune femme communique avec son public. Elle a sa propre philosophie de la vie et elle essaie de la véhiculer partout. Elle dit croquer la vie et demande au public d'en faire autant, elle s'accepte telle qu'elle, elle se lâche sur sa musique et elle danse et exhorte son public à s'exprimer lui aussi de faire comme à la maison et d'extérioriser ce que la musique lui inspire. Tout au long du spectacle elle n'a cessé de pousser le public à s'exprimer, à l'image de ‘Stay true' la toute première chanson de sa carrière où elle refuse déjà d'entrer dans une boîte préfabriquée. Au final on aura tout vu, étonné de voir autant de richesses, d'énergie et de capacités en une seule personne. Bourrée de talents elle est inqualifiable, elle passe de diva de la soul et du jazz à la rockeuse allumée. De la chanteuse camerounaise rasta à la slameuse de Brassens, avec autant de fluidité et de facilité qu'elle a pour bouger sur scène. Musicalement parlant Sandra c'est du jazz et de la soul qui luttent contre un rock alternatif et du reggae de puriste très agréable. La funk, le disco et le slam sont aussi la pour réguler le débat.