Hospitalité Ici, dans cette localité de la daïra de Bouandas, l?étranger n?est pas considéré comme un intrus ; c?est un pèlerin qu?on accueille avec bien des égards. Si curieusement, on est frappé de voir que dans ce point de la région sétifienne, la terre arable est elle-même laissée à l?abandon parce que plus personne ne veut la cultiver en dehors de la période des semailles, bien que l?eau soit partout présente, de tous ceux qui vivent en permanence dans cette commune, il n?y a que les vieillards et les pauvres qui connaissent vraiment la valeur de la terre. Ce sont eux que l?on croise sur le chemin de la mosquée, restée jusqu?à présent le lieu privilégié des réunions communautaires. La jeunesse, quant à elle, n?est pas portée sur le sacré. A vrai dire, elle se consacre surtout au jeu, sous toutes ses formes, et à l?alcool à tout prix. Elle est oisive et mal dans sa peau. Mais une autre jeunesse existe, peut-être pas très cultivée dans sa totalité, mais assez dynamique, assez consciente et responsable pour envisager l?avenir autrement que ses parents, auxquels s?est imposé le monde moderne avec la brutalité que l?on sait. Cette jeunesse, qui a connu l?Occident à travers la télévision et les journaux, a les moyens d?échapper aux aliénations et aux crises qui résultent de l?accélération actuelle de l?histoire. Culturellement, elle fait son possible avec les moyens du bord, ne disposant que de son intelligence et de sa volonté pour exhumer et revivifier ce qui est partout renié, rejeté par ceux qui ignorent que la perte de la terre a pour cause profonde la perte des racines. A ce paysage social s?ajoutent le scénario des riches commerçants et les émigrés qui sont en grand nombre dans la région. Ceux-ci bâtissent des villas de béton somptueuses où ils ne viennent habiter qu?une quinzaine de jours par an ou à l?occasion d?un mariage. Avec l?électricité qui alimente ces belles demeures, on a tôt fait d?illuminer le pic de la montagne. Les habitants, même ceux de la plaine, se veulent résolument modernes, mais cette course effrénée à la modernité est perçue comme une mode anesthésiante car elle favorise la fuite des jeunes vers l?étranger. A Bousselam, c?est une lutte perpétuelle pour raviver la culture locale, cette culture terrienne organique, qui est la base de toute connaissance et qui tend à s?effriter comme sous l?effet d?un rejet collectif. On entend dire de cette lutte acharnée, mais bien noble, que c?est parce que la terre s?efface que la pauvreté de plus en plus menace.