Poids n L'armée régulière est au centre de l'épreuve de force entre les deux Présidents proclamés, l'un s'efforçant d'en garder le contrôle quand l'autre y cherche des appuis. «C'est l'armée qui déterminera le vrai gagnant entre Gbagbo et Ouattara», analyse un journaliste ivoirien spécialisé dans les questions militaires. Les chefs de l'armée loyaliste — qui ne contrôle que le sud du pays depuis qu'une rébellion, baptisée plus tard Forces nouvelles (FN), s'est emparée du nord après son coup d'Etat manqué de 2002 contre M. Gbagbo — ont rapidement fait allégeance au président sortant dans cette nouvelle crise. Mais dans son ensemble, l'armée est «aussi divisée que les politiciens», souligne ce journaliste sous le couvert de l'anonymat. Conscient de cette « fracture» au sein de la «Grande muette», M. Ouattara, reconnu par une communauté internationale quasi-unanime comme le chef de l'Etat légitime à l'issue de la présidentielle du 28 novembre, s'emploie à faire basculer dans son camp certains officiers. Pour la première fois, son Premier ministre et chef des FN, Guillaume Soro, a appelé jeudi l'armée (18 000 hommes officiellement) à se placer sous l'autorité de M. Ouattara. «On a été contactés par plusieurs officiers des Fanci (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire). C'est clair que ce n'est pas toute l'armée qui soutient Gbagbo», affirme un proche de M. Soro. Dans l'épreuve de force en cours, le ministre de l'Intérieur de M. Gbagbo, Emile Guiriéoulou, a fait une sortie fracassante samedi en accusant des diplomates «occidentaux» à Abidjan de vouloir «déstabiliser» le régime en tentant de faire passer des officiers du côté de l'ex-opposant. M. Gbagbo n'a pas ménagé ses efforts pour s'assurer du soutien des officiers généraux de la gendarmerie, de la police et de l'armée. Comme l'attestent les tournées de certains chefs pour mobiliser la troupe, le message est bien passé au sein d'une haute hiérarchie militaire choyée par le président sortant qui a multiplié les promotions. «Si je tombe, vous tombez», leur avait-il lancé en août lors du cinquantenaire de l'indépendance ivoirienne. Quant au chef d'état-major, le général Philippe Mangou, il a averti dimanche la mission onusienne Onuci et la force française Licorne déployées dans le pays qu'elles ne devaient pas «faire la guerre aux Ivoiriens». Lors d'une tournée dans des casernes à Abidjan, il a rappelé novembre 2004, quand plus de cinquante manifestants ivoiriens étaient tombés sous les balles françaises. «Nous conseillons tout simplement à nos frères des Forces impartiales (Onuci et Licorne, ndlr) de ne plus jamais avoir sur leurs mains le sang des Ivoiriens», a -t-il lancé.