Résumé de la 3e partie n Le 7,65 trouvé chez Arnaud Nagel n'étant pas l'arme du crime, le procureur en déduit qu'il n'est pas l'assassin... Pour cet expert que sa longue expérience rend digne de foi, il s'agit vraiment d'un accident dans la vie de ce garçon. Et il n'y a aucun risque de le voir se reproduire. Tout montre en effet que cet expert avait raison au sujet d'Arnaud. Sa conduite en prison a été parfaite. Il ne s'expliquait pas lui-même comment il avait pu commettre un tel crime. Son attitude, depuis, a été totalement exemplaire. Ses voisins le considèrent comme un garçon charmant, serviable, aimable. Ses employeurs le jugent consciencieux, laborieux, avec le sentiment du devoir. Il a reçu une éducation excellente. Son père a toute confiance en lui. Il lui a acheté un orgue dont il joue le soir. Lorsqu'il n'est pas à l'orgue, il participe à la chorale d'une église. Le dimanche, il pique-nique avec sa famille... Non, vraiment, si vous voulez un assassin, trouvez-m'en un autre, je vous prie ! — Et le samedi, à quinze heures, grogne le commissaire, qu'est-ce qu'il fait ? — Le samedi matin, il joue au basket. — D'accord. Mais à quinze heures ? — Il va au stand de tir. — Deux ou trois fois par mois... mais les autres samedis ? — Les autres samedis ! Les autres samedis ! Je ne sais pas, moi ! Après des semaines si bien remplies, peut-être qu'il lit : sa chambre est bourrée de livres. — Tous des romans policiers... — Et alors ? Vous n'allez pas le suspecter parce qu'il lit des romans policiers ? Vous n'allez pas poursuivre de votre vindicte un homme toute sa vie parce qu'il a eu quelques secondes de folie à dix-neuf ans ! — Et si j'obtiens des aveux ? — Allons, ne rêvez pas, commissaire. Ne rêvez pas. Jusqu'à présent, il ne semble même pas prendre vos accusations au sérieux. Vous n'avez affaire ni à un débile mental ni à un petit voyou minable qui se mettra à table pour une cigarette offerte au bon moment. Il n'est pas fou, il n'est pas bête. Il est sûr de son droit et, à part vous, tout le monde est pour lui. Bien entendu, j'espère que pour obtenir des aveux vous n'avez pas envisagé d'autres moyens que ceux autorisés par la loi ?» Glucksman se contente de hausser les épaules, ce que voyant le procureur conclut : «Je souhaite vivement.., très vivement, qu'il soit relâché au plus tôt... aujourd'hui si c'est possible.» Et il s'en va dignement, aussi raide que réprobateur. Le car de police est arrêté devant la maison du gros marchand de meubles Nagel. Le grand et sympathique fils de la maison en sort, les menottes aux mains. Debout sur le trottoir dans son blouson vert et son pantalon de flanelle grise, il attend les ordres du commissaire principal. Celui-ci descend à son tour, lentement, plus impérial que jamais, jette sur la maison un regard cerclé par l'acier de ses lunettes, et son gros visage de bûcheron fait un signe : «Allez-y, montez jusqu'à votre chambre !» Les voilà tous les deux, seuls dans la chambre, le commissaire impérial et le jeune homme tranquille. Le lit a été fait le matin par la bonne. II est recouvert d'une couverture en patchwork de laine. Au mur, des photos de George Raft, de Edouard G. Robinson, d'Humphrey Bogart, tous dans des rôles de gangsters. Un «cosy corner» croule littéralement sous une triple rangée de romans noirs américains, et Arnaud Nagel sourit : «Oui, commissaire, c'est vrai, j'aime les romans policiers.» (à suivre...)