Objet depuis plusieurs jours d'une pression à la fois interne et externe, le Président égyptien ne donne aucun signe d'une volonté de répondre aux appels lui parvenant de toutes parts de procéder rapidement à une transition. Campant sur ses positions, il estime que son départ immédiat ne ferait que précipiter le pays dans le chaos. Moubarak «doit prêter attention à ce que réclament les gens et prendre une décision ordonnée, constructive et sérieuse», a déclaré le Président américain en assurant que «des discussions» s'étaient engagées sur la transition politique. «Je pense que le Président Moubarak se soucie de son pays. Il est fier, mais c'est aussi un patriote», a ajouté Obama, suggérant, mais ne demandant pas clairement le départ du Président égyptien. La Maison-Blanche a, par ailleurs, affirmé que la révolte populaire, lancée le 25 janvier, ne s'arrêterait pas sans réformes «concrètes». Peu avant, le Premier ministre égyptien Ahmad Chafic avait exclu néanmoins que la proposition de transfert de pouvoir entre le raïs égyptien et son vice-président, Omar Souleimane, soit «acceptée», comme le souhaiteraient les Etats-Unis, selon le New York Times. Alors que des centaines de milliers d'Egyptiens sont descendus dans les rues pour ce «vendredi du départ», les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne ont demandé, de leur côté, que la transition démocratique commence «maintenant». Ils ont menacé à demi-mot de revoir leur aide économique à l'Egypte si les violations des libertés publiques se poursuivaient. «Nous voulons un processus démocratique sans délai, mais nous laissons aux Egyptiens le soin de déterminer qui doit le conduire et comment», a plaidé, quant à lui, le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy. Dans la soirée, place Tahrir dans le centre du Caire, plus de 10 000 personnes s'étaient rassemblées, dont certaines prêtes à y passer une nouvelle nuit, bravant le couvre-feu dont la durée a été réduite de 19h à 06h. Sur une banderole géante, ils affichaient leurs revendications : départ du Président Moubarak, dissolution du Parlement et mise en place d'un gouvernement de transition. Certains chantaient, d'autres scandaient «Va-t-en, va-t-en» à l'adresse de M. Moubarak. Les manifestants occupant la place Tahrir ne seront pas délogés par la force, a assuré le Premier ministre égyptien Ahmad Chafik. Dans la matinée, cette place, épicentre de la contestation, était noire de monde. La mobilisation s'est déroulée dans le calme contrairement à mercredi et jeudi, où de violents affrontements entre pro et anti-Moubarak avaient fait 8 morts et 915 blessés selon le ministère de la Santé. Pour éviter de tels incidents, l'armée avait déployé hier, vendredi des dizaines de véhicules pour créer une zone tampon. Nombreux étaient ceux à avoir également répondu à l'appel à la mobilisation en province, notamment à Alexandrie et Menoufiya (nord), Mahalla et Mansoura (delta du Nil), Suez (est), Assiout (centre) et Louxor (sud). Le mouvement de contestation avait appelé à une mobilisation générale au 11e jour d'une révolte qui a fait au moins 300 morts selon un bilan de l'ONU non confirmé par d'autres sources. Le ministère de la Santé a fait état de 5 000 blessés depuis le 28 janvier.