Douleur Brahim Abdelmoumène, chef du département du laboratoire d?analyse et de transformation des métaux précieux, est mis en quarantaine depuis son accident. C?est une famille brisée qui ose se confier. L?émotion est à son comble, surtout que le père, souffrant de troubles de mémoire, tente péniblement de raconter l?incident. A l?évocation de certains souvenirs, il sursaute de douleur, tout son corps tremble, comme pris par des crises d?épilepsie, et il sanglote. Le 23 novembre 2002, Brahim, 51 ans, a inhalé une quantité importante de chlore en tentant de maîtriser une fuite de gaz dans l?unité où il était en fonction. Dans des témoignages, ses collègues précisent qu?il est entré à l?entrepôt, sans masques, en empêchant ses jeunes coéquipiers d?y accéder. «Il a mis sa vie en péril pour sauver la nôtre et celle de son entreprise». Beaucoup de matières chimiques flottent dans l?air, mais Brahim ne se laisse pas décourager, il détecte la panne et réussit à éviter le drame. Le soir, il est pris par des vomissements et des complications respiratoires. Le lendemain, son état s?aggrave, il plonge dans le coma et est hospitalisé en urgence à l?hôpital Maillot où il restera plus de deux mois. Son état se stabilise, mais le traitement est pénible. Il traînera durant les premières semaines d?un établissement hospitalier à un autre, d?un service à un autre pour effectuer ses analyses médicales, ses séances de rééducation? Le calvaire continue. Brahim contracte d?autres maladies, dues à une négligence médicale, car il a besoin d?une assistance permanente. Sa famille décide alors de s?occuper de lui et de le reprendre à la maison. Sa famille précise que dès son hospitalisation, elle a présenté un rapport à la caisse de sécurité sociale, dans lequel deux témoins affirment que Brahim a été victime d?un accident de travail, en tentant de réparer une fuite de gaz. «Accompagné du compte rendu de l?hôpital, ce rapport a été rejeté par les médecins de la Casoral, sans que Brahim puisse profiter d?un contrôle médical, pour confirmation ou infirmation !» Brahim Abdelmoumène exerçait depuis 1984. C?est le représentant officiel de son entreprise à l?échelle nationale et internationale. Il est l?un des deux experts que compte l?Algérie dans le secteur. Ses grandes compétences sont dûment reconnues. Il était sollicité par les grandes instances nationales, notamment la présidence. «Plusieurs entreprises étrangères lui ont proposé de rejoindre leurs équipes, mais Brahim a toujours refusé et il a choisi de se vouer à son pays.» Ses enfants racontent encore que durant les quatre premiers mois de sa maladie, ils n?ont perçu aucun salaire le temps d?établir une procuration au nom de leur mère. «Il est encore jeune et l?on ne veut pas le condamner. Nous avons saisi toutes les autorités, en vain. La tutelle doit le prendre en charge.» Une négligence qui a eu des conséquences néfastes, Brahim a souffert d?une profonde dépression. Cependant, depuis 14 mois, la famille attend la réception du rappel sur salaire du malade. «Nous avons perçu récemment un prêt de 80 000 DA , mais c?est insuffisant, vu la cherté du traitement. En outre il a 6 personnes à charge.» Aujourd?hui, les Abdelmoumène luttent pour que Brahim soit réhabilité dans ses droits, réintégré et reconnu comme «victime d?un accident du travail». Sur la liste des maladies professionnelles, ou celle des risques de travail, son cas n?a pas pu être classé, puisqu?il n?y figure pas. «Les médecins refusent d?admettre que son état est dû à l?inhalation de chlore. Ils nous ont conseillé alors de l?inscrire comme diabétique sous régime. Nous étions obligés de le faire pour recevoir les rappels sur salaire, les allocations. Actuellement, il est en congé de maladie prolongé.» Depuis trois mois, la famille attend la réception des rappels sur salaire.