Constat n Voyage à Alger, signé Abdelkrim Bahloul, a été triplement couronné lors de la 22e édition du festival du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Il a remporté deux prix spéciaux - prix des Nations unies pour les droits de l'enfant et le prix Signis (Association catholique mondiale pour la communication). Il a également raflé le prix d'interprétation féminine qui est revenu à Samia Meziane ainsi que le prix du meilleur scénario. Le film, depuis sa sortie en 2009, a figuré dans plusieurs festivals où il a décroché deux distinctions, à savoir le Tanit d'argent et le Prix du public aux Journées cinématographiques de Carthage. Il a remporté également un autre prix, celui du meilleur scénario au festival international du film francophone de Namur. Taxiphone de Mohamed Soudani, est un autre film algérien qui s'est distingué lors des festivals. Il a remporté, en 2010, le prix du Choix des spectateurs au festival du film d'Isola (Slovénie). D'autres films dont on peut citer, à titre d'exemple, Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, Mascarades de Lyes Salem – ont été, eux aussi, primés dans des festivals. Si tous ces films ont été salués et par la critique et par le jury, c'est parce qu'ils sont d'une bonne qualité cinématographique susceptible de susciter l'intérêt de tous. Il se trouve que ces films ne sont pas des productions entièrement algériennes. Tous sont des coproductions, généralement algéro-françaises. Ainsi, les films (l'on parle de fictions longs-métrages) qui ont réussi à se distinguer à l'étranger et notamment dans les festivals et autres forums, sont des coproductions. Quant à la production entièrement locale, elle semble être timide tant elle est occasionnelle. Les quelques films réalisés durant ces dernières années manquent de qualité. C'est alors que face au marasme auquel est confronté le milieu du cinéma, des jeunes cinéastes, à l'instar de Yahia Mouzahem ou Mounès Khemar insistent sur «la nécessité de privilégier la qualité du produit filmique sur la quantité. Il ne faut pas que la quantité prenne le dessus sur la qualité.» Et d'ajouter : «Il est temps qu'une vraie dynamique relative à la pratique cinématographique soit mise en place et ce, en vue de professionnaliser la gestion des productions.» Tous deux s'accordent à dire que l'année de l'Algérie en France (2003) et Alger, capitale de la culture arabe (2007) ont chacune, suivant sa politique, permis une reprise, mais d'une certaine manière, de la pratique cinématographique. Et de préciser : «Ces deux manifestations ont représenté d'importantes occasions pour la production cinématographique», tout en déplorant que «la quantité a pris le pas sur la qualité». Yahia Mouzahem ou Mounès Khemar regrettent que le marasme que connaît le secteur de cinéma continue et persiste. Ainsi, le cinéma qui était le domaine par excellence de la qualité, ce qui impliquait d'emblée la professionnalisation de la gestion de la production cinématographique, relève aujourd'hui de l'amateurisme. Yahia Mouzahem, qui a réalisé et produit la série télé Saâd el-Gat et La Cité des vieux, un court métrage en 2010, a déclaré : «Actuellement, il n'y a pas de cinéma, juste un désir», et d'ajouter : «Entre le vœu et le fait, il y a tout un monde.»Yahia Mouzahem, pour qui «il y a des forces, un potentiel qu'il faut développer», déplore que tant que les mentalités refusent de changer, «nous resterons dans le bricolage». Abondant dans le même sens, Mounès Khemar, qui compte quelques réalisations dont un court-métrage Le dernier passager, dira : «Ailleurs, aujourd'hui, ce sont les jeunes qui envahissent la culture, ce qui n'est pas le cas en Algérie.» Et de regretter : «On les réduit au rang d'adolescents.» Mounès Khemar poursuit : «Le réalisateur et le producteur sont les premiers responsables de la qualité d'un film. (...) Une production est tributaire du sérieux et de la rigueur dans le travail. Car chacun doit être à sa place, producteur, réalisateur, acteur ou scénariste, chacun a un rôle spécifique. Il faut cesser le bricolage dans la réalisation des films.»Ces deux jeunes réalisateurs estiment que «c'est cette qualité qui fait défaut à la plupart des nos productions, qui permettra au film algérien de se vendre à l'étranger, et non la langue, souvent avancée comme raison». On revient à la problématique du scénario. «Il n'existe pas de scénaristes selon des critères bien précis. Ce qu'il y a, ce sont des tentatives d'écriture», soulignent-ils. Et pour y remédier, il est clair qu'«il est nécessaire et même urgent, de créer d'une part une dynamique cinématographique, impliquant tous les maillons de la profession pour enfin pouvoir concrètement faire du cinéma, et, d'autre part, absolument prendre au sérieux le potentiel jeune et l'exploiter au maximum d'une façon créative et, surtout, professionnelle. Il faut énormément de sérieux».