Indignation n En plus de la brutalité de l'intervention des forces bahreïnies contre les manifestants, l'arrivée de forces saoudiennes a été la goutte qui a fait déborder le vase. De l'Iran au Koweït, en passant par la ville sainte irakienne de Najaf, les chiites du Moyen-Orient ont condamné hier mercredi la violente répression menée par la dynastie sunnite au pouvoir contre les manifestants principalement chiites de Bahreïn. Les rues d'Irak ont même été le théâtre de manifestations de soutien aux protestataires, quelques heures après l'assaut meurtrier lancé par les forces bahreïnies contre les manifestants, qui campaient depuis près d'un mois sur la place de La Perle à Manama pour réclamer des réformes. Le guide spirituel de la communauté chiite, le grand ayatollah Ali Sistani, a «appelé Bahreïn à cesser les violences», depuis son bureau de Najaf au sud de Bagdad. Ali Sistani est le plus influent des quatre membres de la marjaïya, la direction religieuse chiite établie à Najaf, et ses prises de parole sur les questions politiques sont rares. Un autre membre de la marjaïya, l'ayatollah Bachir al-Najafi, s'est dit «surpris que le gouvernement de Bahreïn fasse appel à des forces de pays voisins», en référence aux unités saoudiennes et aux policiers émiratis dépêchés à Manama. A l'appel du chef radical Moqtada Sadr, 2 000 personnes ont manifesté dans son bastion de Sadr City, à Bagdad, et plusieurs centaines à Najaf et Bassora au sud du pays. «Oui, oui à la paix ! Oui, oui à Bahreïn», scandaient les manifestants à Bagdad. «Les dirigeants arabes doivent savoir que les gouvernements ne peuvent pas éliminer le peuple, mais que l'inverse est vrai», a déclaré Mohammed al-Gharraoui, un des chefs sadristes à Bagdad. «Si Moqtada demande des volontaires pour aller à Bahreïn, je serai le premier». L'imam de la prière du vendredi à Najaf a, pour sa part, qualifié la situation à Bahreïn de «désastre humanitaire» et fustigé le «silence des Arabes et de la communauté internationale». Dans la nuit, les dignitaires chiites bahreïnis avaient appelé la communauté internationale et le monde musulman à intervenir pour éviter un «massacre». Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a fustigé quant à lui l'intervention de forces des pays du Golfe et dénoncé la main de Washington derrière cet «acte hideux voué à l'échec». «Les Etats-Unis cherchent à sauver le régime sioniste et à étrangler le mouvement des peuples et pour cette raison, ils soutiennent certains gouvernements», a-t-il déclaré. Au Koweït, des parlementaires chiites ont critiqué l'envoi de forces à Bahreïn. En Arabie saoudite, quelques centaines de manifestants chiites se sont rassemblés mardi dernier près d'Al-Qatif à l'est du pays en solidarité avec les Bahreïnis. Au Liban, plusieurs centaines de partisans du Hezbollah se sont rassemblés dans le centre de Beyrouth. «Non à l'intervention saoudienne» ou «laissez le peuple choisir son destin», scandaient-ils. «Royaume d'Arabie arrêtez votre crime à Bahreïn» ou encore «Nous exigeons une intervention iranienne», pouvait-on lire sur certaines pancartes.