Intervention n Ahmed Ouyahia était l'invité, hier, de l'émission Hiwar Essaa de la télévision nationale en tant que chef de file du RND, mais aussi de Premier ministre. C'est à ce titre qu'il a apporté certains éclairages sur ce que pensent nos dirigeants de la situation actuelle et sur ce qu'ils ont, ou pas, l'intention de prendre comme mesures. Première certitude : des changements seront bientôt annoncés, cela est confirmé par le Chef du gouvernement, qui a aussi assuré, dans le même registre, des rencontres, ces derniers jours, entre hauts responsables. Mais ce que l'on peut retenir des déclarations de Ouyahia, c'est que ces changements seront d'ordre social et économique et non pas politique comme semblent l'espérer les acteurs politiques. «L'Algérie traverse une crise sociale et non politique», a-t-il réitéré. Nul besoin donc d'un grand bouleversement comme celui que peut induire une assemblée constituante. Réclamée à cor et à cri par des partis politiques dont notamment le PT et le FFS, celle-ci n'est pas dans les prévisions du pouvoir, on en a enfin la certitude puisque c'est la première fois qu'une voix officielle se prononce sur la question en assénant une douche froide qui ne manquera certainement pas de faire réagir la classe politique. Pour Ouyahia, le recours à une Assemblée constituante «ne peut intervenir que dans des circonstances bien précises, comme dans le cas d'une crise politique ou d'une paralysie des institutions». Ce qui n'est pas le cas de notre pays, selon lui. Et «accepter l'idée d'une Assemblée constituante, et donc d'une nouvelle Constitution, reviendrait à rayer d'un trait 50 ans d'existence de l'Etat algérien et n'apporterait rien au pays», a-t-il argumenté. Il a ajouté que la Constituante «ne ressuscitera pas les victimes de la tragédie nationale ni les morts de 1963», en référence au terrorisme des années 1990 et à ce qu'on appelle la «crise du FFS». Mais au-delà de cette assemblée constituante, c'est toute idée de changement politique qui est écartée. «Il n'y aura ni dissolution du Parlement ni changement de système politique.»Voilà qui est dit. Si le premier ministre réfute l'existence d'une crise politique, il ne nie pas les tensions sociales. Celles-ci ne seraient pas non plus dues à un échec de la politique économique que Ouyahia réfute également, allant à contre-courant des constats faits régulièrement pas les économistes, mais plutôt à un «manque de transparence dans la communication». Les mesures dont on attend l'annonce prochaine seront donc un prolongement de celles déjà arrêtées par le Conseil des ministres lors de sa réunion du 22 février dernier, sous la présidence du président de la République. Selon Ouyahia, ces mesures vont coûter un budget énorme au Trésor public. Mais qu'à cela ne tienne «la stabilité n'a pas de prix». Cette stabilité ne tient en effet qu'à un fil, on l'a bien vu en janvier lors des émeutes du sucre et de l'huile. Ces émeutes, le Premier ministre en impute la responsabilité «à 60% aux barons de l'informel» auxquels l'Etat ne peut faire face «frontalement», reconnaît Ouyahia pour qui une telle confrontation mettrait la stabilité du pays en péril. C'est pourquoi, ce combat doit se faire «par tranches». Ouyahia a confirmé la tenue de réunions ces deniers jours entre le président de la République et de hauts responsables de l'Etat même s'il n'en a pas dévoilé la teneur, par «respect des usages». Il n'est pas difficile de conclure que de telles réunions ne peuvent avoir lieu que pour discuter de choses politiques, et dans la conjoncture actuelle de changements politiques. Ceci est d'autant plus vrai que le chef de l'Etat lui-même avait dans un message à l'occasion du 19 Mars, mis l'accent sur la nécessité de «réformes politiques» qui viendraient compléter les restructurations globales entreprises ces dernières années. Alors de quoi s'agit-il au juste ? Ouyahia jugeant que le pays ne traverse pas une crise politique, il faut donc exclure des élections anticipées. Dans quelle mesure peut-on dès lors s'attendre à «des réformes politiques ?» et de quelle nature seront-elles ?