Charnier n Le camp d'Alassane Ouattara, reconnu Président ivoirien par la communauté internationale, doit se défendre d'accusations de massacres dans l'ouest du pays. La bataille d'Abidjan s'est poursuivie hier, samedi, avec d'intenses tirs à l'arme lourde près des derniers bastions du Président sortant, Laurent Gbagbo, dont les forces, ainsi que celles de son rival Alassane Ouattara, sont accusées par l'ONU de massacres dans l'Ouest. Lundi dernier, une offensive sur le Sud qui les a conduits en quelques jours jusqu'à Abidjan, les Forces républicaines (Frci, pro-Ouattara) avaient attaqué la ville de Duékoué, carrefour stratégique de l'Ouest. Après de très durs combats, la ville tombait mardi aux mains des Frci. Vendredi dernier, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a créé un choc en annonçant, sur la base d'informations recueillies sur place, qu'«au moins 800 personnes» avaient été tuées à Duékoué dans cette seule journée. Il évoquait sans plus de précision des «violences intercommunautaires». Hier, samedi, l'Opération de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci), qui reconnaît Ouattara et assure même la protection de son QG du Golf hôtel, a clairement accusé ses troupes. Si son premier bilan, qui devrait être revu à la hausse après l'enquête en cours, évoque «330 morts» de lundi à mercredi, dont 100 tués par des «mercenaires pro-Gbagbo», l'Onuci a affirmé que la plupart des victimes ont été «exécutées par les dozos (chasseurs traditionnels du Nord) des Frci». La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (Fidh) a «confirmé l'existence de massacres dans la ville de Duékoué», mais, selon elle, le total de «plus de 800 personnes exécutées» correspond aux exactions de quatre mois de crise post-électorale. «Nous avons des retours réguliers de nos sources indiquant que les exécutions se poursuivent», a souligné un responsable du bureau Afrique de la Fidh.Gravement mises en cause, les forces pro-Ouattara ont assuré avoir tué «des miliciens et pas des civils». Côté Gbagbo, de nombreux témoignages ont fait état de tueries commises par des mercenaires libériens et des miliciens pro-Gbagbo dans la région depuis de la crise post-électorale. A Duékoué, l'Onuci a d'ailleurs indiqué avoir découvert un puits dans le QG d'un chef milicien contenant «beaucoup de corps». L'horreur des derniers jours dans la zone n'est cependant «pas une surprise», souligne l'organisation International Crisis Group (ICG). Des mercenaires libériens ont été recrutés par le camp Gbagbo et les rebelles qui forment à présent le gros des Frci lors des combats de 2002-2003 qui ont abouti à la partition Nord-Sud de la Côte d'Ivoire. Politiquement, l'effet des accusations contre le camp d'Alassane Ouattara, considéré à l'extérieur comme le Président légitime, pourrait être dévastateur. «ça risque de le discréditer», s'inquiète une source onusienne. «ça va le suivre» prédit un humanitaire.